Quels métiers feront sens demain ?

Et si les métiers de demain se trouvaient dans les secteurs de l'artisanat et de l'agriculture ? Pour en parler, Julien Vidal, auteur du Podcast 2030 Glorieuses et Anne de Rugy, sociologue à l’université Paris-Créteil, nous ont répondu.

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Rédaction SoPress

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Qu’est-ce qu’un métier qui fait sens, selon vous ?

Anne de Rugy : Le sens du travail est devenu une espèce de leitmotiv depuis une dizaine d’années et c’est parfois une notion un peu passe-partout. Mais derrière l’aspiration à trouver du sens, il y a une interrogation sur l’utilité sociale du travail. Ce que je fais est-il utile à la société ? Est-ce un travail utile aux autres, qui ne nuit pas à l’environnement ni aux humains ? Désormais, chaque individu souhaite que son travail ait une utilité sociale au-delà de l’utilité économique. En d’autres termes, l’intérêt du travail ne se limite pas à la fonction gagne-pain, son sens doit être visible, incarné.

Julien Vidal : Aujourd’hui tout ne tourne qu’autour de l’économie. Nous gardons l’œil rivé à des indicateurs tel que le PIB (Produit Intérieur Brut) comme s’ils étaient la seule manière de juger de la réussite d’un pays et d’un président. Je pense que pour faire sens, nos métiers doivent retrouver une place appropriée. Idem pour l’économie. Il s’agit d’une fin et non d’un moyen, il serait bien de s’en souvenir. Je pense qu’un métier de sens doit nous permettre de hiérarchiser les choses en fonction de leur importance. Il y a presque une notion philosophique derrière la notion du métier de sens, avec notamment l’idée qu’on ferait bien d’apprendre parfois à moins travailler. Et qu’au lieu de rajouter des couches au mille-feuille, on ferait bien d’en enlever.

Mais alors concrètement quels vont être les métiers de demain qui auront du sens ?

AR : C’est compliqué de relier cette notion à des métiers en particulier, mais on réalise que ceux qui bifurquent se tournent vers les professions qui ont une forte lisibilité, dont on comprend immédiatement le sens et l’utilité. Ils sont par exemple en lien avec la nature, autour de la production, de l’agriculture, du travail en plein air, pour les professions néorurales. Ils peuvent réhabiliter des techniques d’élevage traditionnel ou au contraire expérimenter des techniques plus nouvelles comme la permaculture. Mais on pense aussi aux métiers récemment apparus autour du commerce et de l’artisanat, par exemple le commerce en vrac ou les commerces alimentaires autour de productions locales ou encore les brasseurs, torréfacteurs, ébénistes, menuisiers, etc. Ceux-là rejoignent aussi la distinction introduite pendant la crise sanitaire entre les emplois essentiels ou non essentiels.

En résumé, les « métiers qui ont du sens » sont souvent des professions qui touchent aux besoins jugés essentiels comme l’alimentation, le bio, les circuits courts, le commerce, la restauration ou des métiers où l’utilité passe par le lien, le soin ou encore la relation aux autres comme des professions qui touchent la psychologie, le bien-être, le soin du corps, avec l’émergence de coaches en tout genre. Sans oublier la transformation écologique où le sens évoque d’atténuer la crise écologique ou de s’adapter au changement climatique. On pense à ceux qui touchent à la préservation de la nature, la transformation des transports, les nouvelles sources d’énergie. Enfin, la nouveauté peut aussi venir d’une nouvelle manière d’exercer un métier avec plus d’autonomie par exemple en quittant le salariat.

JV : En préambule de mon livre, j’annonce que 75 % des métiers « dits de demain » n’existent pas. Je n’en pouvais plus de cette fascination technologique et du fantasme que l’avenir se dessinerait dans des casques de réalité virtuelle. Avec mon podcast et nos ateliers 2030 Glorieuses, je rappelle que la société de demain est déjà là et que tous les outils sont autour de nous. Il ne s’agit pas d’inventer ni de partir de zéro, mais de changer d’échelle et de reterritorialiser des choses qui ont été expérimentées et validées en France ou dans le reste du monde. On a parfois l’impression de voir apparaître de nouveaux métiers, mais ce sont en réalité des remises à jour ou des combinaisons de certaines professions existantes. Le boulanger solaire par exemple est un boulanger utilisant des fours solaires. Il est donc énergiquement autonome et avec la crise énergétique que l’on traverse, on peut dire qu’il a une bonne intuition. Il y a aussi le métier de chargé de coopérative qui peut être un second exemple. L’idée est de dédier une personne à l’organisation de la concertation, du travail ensemble.

Jusqu’ici, ça n’existe pas vraiment alors que c’est, selon moi, très important. Ça n’est pas une nouveauté, mais au lieu de faire porter cette mission par un dirigeant ou un RH, il faudrait que ça soit porté par une seule et même personne. Elle serait évidemment formée sur ce sujet et aurait plus de légitimité pour porter ces questions. Certaines compétences doivent être redirigées pour aboutir à la création de ces postes. Enfin, il me semble essentiel de remettre certaines professions en avant et de valoriser. Toutes les professions liées à l’artisanat notamment parce qu’au-delà de permettre une rentrée d’argent en effectuant un travail manuel, cela offre l’opportunité de mettre en avant sa créativité.

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