Génération climat : bullshit ou révolution ?

Existe-t-il une génération climat et celle-ci est-elle en train de mener une révolution ? Ou au contraire, ce concept est-il une utopie, voire du bullshit ? C’est la question qui a été traitée lors de l’audience du Tribunal pour les Générations Futures de la Macif, en partenariat avec Usbek & Rica, organisé à La Bellevilloise le 6 décembre 2022. Réponse en 4 points.

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TGF : Vrais témoins, faux avocats

Conférence spectacle qui reprend les codes d'un procès avec un verdict rendu par le public.

Jeter de la soupe sur un chef d'œuvre de Van Gogh, bloquer des axes routiers ou faire un die-in (s’allonger par terre et feindre la mort) pour dénoncer l’inaction climatique… Ces actions non violentes sont souvent utilisées par la jeunesse militante du monde entier, de plus concernée par les enjeux climatiques.

79% des jeunes

se disent intéressés par la thématique du réchauffement climatique.(1)

Pour autant, peut-on considérer que les jeunes méritent leur surnom de « génération climat » ? Peuvent-ils supporter seuls l’action écologique, si les autres générations ne l’ont pas fait avant eux ? La génération climat est-elle une véritable révolution ou un concept « bullshit » ? C’est la question qui a été débattue lors du TGF. Un débat animé qui a vu défiler à la barre de la Bellevilloise Agnès Sinaï, directrice de l’Institut Momentum et enseignante à SciencesPo, Bertrand Caltagirone, porte-parole du mouvement écologiste Dernière rénovation et Anne-Fleur Goll, consultante climat, qui s’est fait connaître lors d’un discours à l’occasion de sa diplomation à HEC.

La première génération touchée par l’urgence climatique ?

Le concept de génération climat s’est popularisé ces dernières avec la montée en popularité des marches pour le climat et de leur figure de proue Greta Thunberg. Pourtant, le phénomène n’est pas nouveau. Qu’il s’agisse des avancées sociales de mai 1968, les manifestations de 2005 dans les banlieues françaises ou les grèves de 1995 contre le plan Juppé sur les retraites, les jeunes ont toujours été sur le devant de la scène militante. La jeunesse est intrinsèquement plus révoltée.

Bertrand Caltagirone

 

Pour autant, Bertrand Caltagirone considère qu’il existe bien une génération climat. « À d’autres époques, les militants pouvaient potentiellement se tourner vers un avenir assez sombre mais lointain alors qu’aujourd’hui, nous vivons déjà les conséquences de la catastrophe climatique. Face à l’urgence, on n’a pas le temps de faire des réunionites, ça nous engage à davantage de sacrifices », lance-t-il. Pour ce représentant du mouvement Dernière rénovation, le militantisme écologiste a aussi changé de dimension. « Les précédentes générations de militants avaient une vision plus philosophique, avec une critique de la société de la consommation que nous pouvons certes reprendre, mais ce qui nous anime, c’est la peur de mourir », ajoute-t-il.

Agnes Sinaï

 

Sur ce point, le premier orateur de la soirée est vite rejoint par Agnès Sinaï. « Ces jeunes sont touchés charnellement par la crise écologique contrairement aux lanceurs d’alerte des années 1970. Les enjeux se répètent mais la situation actuelle est sans comparaison », acquiesce-t-elle. Toutefois, elle préfère relativiser le concept de « génération climat ». « Il y a quelque chose de novateur dans cette idée de génération climat, on a envie de croire qu’elle est massivement mobilisée mais je suis nuancée sur ce terme. Toutes les générations sont des générations climat car nous sommes tous embarqués dans la machine infernale du dérèglement, peu importe notre âge », continue-t-elle.

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Une génération précurseuse ?

Dessin de Tommy Dessine

 

En effet, parler de génération climat fait reposer une responsabilité assez forte sur la jeunesse. Comment changer les législations nationales et internationales sans embarquer la génération X, qui occupe une bonne partie des postes à responsabilité ? La militante Anne-Fleur Goll a fait le choix de travailler avec des grandes entreprises pour les aider à passer le cap de la transition écologique.

« Je pense que mon rôle est de monter le niveau de radicalité dans des pièces où auparavant, il n’y avait personne pour parler de ces sujets. En revanche, j’entends souvent dire qu’il faut que les jeunes apportent leurs compétences aux entreprises et je ne suis pas d’accord. Les jeunes peuvent impulser, mais il faut que les personnes au pouvoir se forment à leur tour et agissent », argumente-elle devant l’auditoire de la Bellevilloise.

Anne-Fleur Goll

 

D’ailleurs, les jeunes ne sont pas les seuls à crier leur mécontentement dans la rue, rappelle Agnès Sinaï. « Je ne vois pas de cloisonnement générationnel. Dans les actions ou les manifestations, il y aussi des retraités ou des boomers qui ont l’habitude des manifestations par exemple ».

Une génération de bourgeois ?

Dessin de Tommy Dessine

 

Pour autant, les jeunes écologistes représentent-ils vraiment leur génération ? Pas vraiment, si l’on en croit l’Observatoire international climat et opinions publiques(2), qui a interrogé des citoyens de 30 pays différents. « 62 % des jeunes jugent très importante la question de l’écologie mais ce n’est pas leur première préoccupation. Il y a aussi les violences faites aux femmes (pour 77 % des jeunes), le racisme (67 %), le terrorisme (66 %) ou encore la faim dans le monde (66 %) », rappelle le sociologue Olivier Galland, interviewé par le procureur de ce TGF dans le cadre d’une « pièce à conviction ».

Autre conclusion de cette étude : « partout dans le monde, l’environnement est davantage une préoccupation des catégories favorisées ». Chez les foyers possédant de faibles revenus, l’environnement n’est qu’à la sixième place, derrière le coût de la vie, la pauvreté, le chômage, le système de santé et la corruption. Une réalité qui renforce l’idée selon laquelle les causes environnementales ne sont portées que par un certain profil sociologique. « En outre, on peine à distinguer une génération climat au niveau mondial. En dehors de l’occident, il n’y a pas de différences générationnelles », conclut Olivier Galland.

Anne-Fleur Goll

 

Anne-Fleur Goll a été interpellée à ce sujet lors du TGF par le procureur. « A-t-on raison de voir en vous une révolution en marche alors que vous étiez prédestinée statistiquement à vouloir la faire ? », a-t-il lancé. Après quelques instants de réflexion, la militante a finalement répondu simplement. « Je n’ai jamais réfléchi à ma vie comme ayant un destin. Si je ne suis pas une anomalie statistique, alors c’est tant mieux, cela veut dire que les personnes qui doivent agir le font ».

Un retour à la radicalité

Plutôt que de parler de « génération climat », Agnès Sinaï préfère parler de « retour à la radicalité ». Pour elle, il y a eu 4 phases dans l’évolution des militantismes, à commencer par les lanceurs d’alerte dans les années 1960 et 1970. « Ces années ont été portées par le rapport Meadows et une écologie politique assez radicale. Ensuite, on a connu une phase d’institutionnalisation à partir des années 1990 avec de nouveaux traités (Sommet de Rio, COP) pour concilier environnement et économie sous le sigle du développement durable. Au début des années 2000, les mouvements décroissants et altermondialistes se sont emparés de la question de la mondialisation, qui s’est un peu éclipsée aujourd’hui. Et enfin, plus récemment, on a une écologie des villes en transition, de la permaculture, avec un retour à une écologie plus radicale et territorialisée (Les ZAD et Soulèvement de la Terre) », détaille-t-elle durant la conférence.

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Cette radicalité, constitutive de l’écologie moderne, est aussi une réponse à l’urgence de la situation climatique. « Il y a un risque d’extinction de notre espèce donc il faut être radical car aujourd’hui, le consensus autour du climat est plutôt mou. Tout le monde est plus ou moins d’accord avec le constat mais peu assument cette radicalité dans l’action », constate Bertrand Caltagirone, le porte-parole de Dernière Rénovation.

Verdict Final

Alors la Génération Climat : Bullshit ou Révolution ? Cet argument de la radicalité a peut-être été décisif dans le verdict de ce Tribunal des Générations Futures. Sur les 5 voix du jury, 3 ont estimé que la génération climat était une révolution.

Verdict final

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