Famille recomposée : comment préparer la succession ?

Mieux protéger son conjoint, transmettre aussi à ses beaux-enfants, traiter équitablement les enfants de précédentes unions… L’équilibre est difficile à trouver lorsque l’on est une famille recomposée. Les conseils de Géraldine Lanoë, notaire, pour anticiper et prendre les bonnes dispositions.

Temps de lecture : 11 min

à propos du contributeur

Géraldine Lanoë

Notaire

Paris

1 Le mariage : la meilleure des protections pour le conjoint

Vous aviez dit « plus jamais » ? Réfléchissez-y à deux fois, car le mariage reste la meilleure des stratégies pour protéger son compagnon en cas de décès.

« La loi accorde à l’époux un statut d’héritier privilégié, contrairement au partenaire de PACS ou au concubin qui n’ont aucune vocation héréditaire, mentionne Géraldine Lanoë. Il n’a droit à rien, et ce, même si c’est le père ou la mère de votre enfant. »

À moins de faire un testament en sa faveur. Mais attention si le partenaire pacsé comme le conjoint est exonéré de droits de succession, ce n’est pas le cas du concubin, qui reverse au fisc 60 % de la part qui lui revient.

Le régime matrimonial de la séparation de biens est théoriquement plus protecteur des droits de chacun.

« Il permet d’identifier au mieux les biens de chacun, contrairement au régime de la communauté qui a tendance à tout absorber dans un gros pot commun. Quand il y a des enfants communs, ce n’est pas un problème, car ce qui n’a pas été hérité au décès du premier parent le sera au second. La complexité réside lorsqu’il y a des héritiers issus d’un premier mariage avec un risque de dissolution du patrimoine propre. »

En l’absence de dispositions prévues en cas de décès, voilà le fonctionnement qui s’applique : dans le cas d’une famille recomposée, dès lors qu’il y a des enfants d’une précédente union, la part d'héritage revenant au conjoint survivant reste toutefois réduite : il n'a droit qu'à un quart de la succession en pleine propriété, le reste allant aux héritiers en ligne directe, les enfants. Rien à voir avec le sort du conjoint dans une famille dite « traditionnelle ».

2007

Depuis cette date, le conjoint survivant est entièrement exonéré de droits de succession, que l’héritage porte sur l’usufruit de toute la succession, ou sur la pleine propriété d’une partie seulement. Quant aux enfants, lors de l’extinction de l’usufruit, au décès du second parent, ils n’auront rien à régler au fisc.

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Augmenter la part successorale du conjoint avec un testament

Afin d’augmenter les droits de votre conjoint sur votre succession, il est possible de lui léguer par testament ou donation (au dernier vivant) :

  • soit la totalité de vos biens immobiliers en usufruit (il aura ainsi la possibilité d’habiter ou de louer ces biens) et la nue-propriété (la propriété sans l’usage) reviendra aux enfants ;
  • soit un quart en pleine propriété et le reste en usufruit ;
  • soit encore la quotité, c’est-à-dire le montant disponible de vos biens en pleine propriété.

« La loi autorise de transmettre jusqu’à 50 % de son patrimoine en pleine propriété si l’on a un enfant, un tiers si l’on a en a deux, un quart s’il y en a trois et plus. Autrement dit, la quotité disponible ordinaire. Le reste étant la part réservée aux héritiers directs, c’est-à-dire aux enfants », mentionne Géraldine Lanoë. 

Léguer l’usufruit de vos biens à votre conjoint garantira à vos enfants nés d’une première union de recouvrer la pleine propriété au décès de leur beau-parent. Et ce, sans droits de succession à régler sur cet usufruit. Seule limite pratique pour cela : qu’il n’y ait pas une trop grande différence d’âge entre les conjoints.

« A titre d’exemple, si l’aîné a peu ou prou le même âge que la nouvelle femme de leur père, il y a de fortes chances qu’il n’ait jamais la pleine propriété, met en garde Géraldine Lanoë. Il ne s'agit pas d'une condition au sens légal, mais d'une limite de fait. »

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3 La donation-partage : pour rétablir l’équilibre entre les enfants

Vous avez constitué avec votre nouveau conjoint un patrimoine commun
important ? Vos enfants nés d’une précédente union risquent d’être moins bien lotis que ceux que vous avez eus ensemble. Seuls les enfants communs hériteront de vous deux. Pour rétablir l’équité dans la succession et atténuer ces disparités entre les enfants communs et ceux d’une précédente union, vous pouvez recourir à une donation-partage dite « conjonctive » réunissant tous vos enfants. Il est possible dans ce cadre de transmettre à vos aînés des biens communs ou une part plus importante de votre patrimoine sans pour autant priver vos cadets du minimum exigé par la loi.

Bon à savoir

Le rôle du notaire

Pour organiser sa succession le plus sereinement possible, il est recommandé de faire appel à un notaire. Celui-ci pourra vous conseiller et vous orienter quant aux différentes options qui s’offrent à vous. Une donation-partage, par exemple, est obligatoirement rédigée par un notaire. Le testament, lui, peut être rédigé seul (testament olographe) ou établi par acte notarié (testament authentique) si, par exemple, le testateur ne sait pas écrire, ou s’il n’est plus en état physique de le faire (personnes âgées, malades ou handicapées). Dans les deux cas, le notaire procède à la conservation du document et l’enregistre au fichier central des dispositions des dernières volontés.

4 Les beaux-enfants dans la succession

Vos beaux-enfants n’ont pas vocation à hériter de votre patrimoine en cas de décès. La seule solution est de rédiger un testament ou de procéder à une donation de votre vivant dans le respect des parts réservataires de vos enfants biologiques.

« Par exemple, une mère qui aurait un enfant commun et un beau-fils ne pourra pas donner 30 % au premier et 70 % au second. Sachant que l’enfant commun doit hériter de la moitié de son patrimoine, le legs au profit du beau-fils sera forcément réduit. »

Autre problème, alerte Géraldine Lanoë, procéder à une donation au moment du décès lorsque l’on n’a aucun lien de parenté est lourdement taxé par l’administration fiscale. Le donataire ou l’héritier désigné devra régler 60 % de frais de succession. D’où un intérêt limité en présence d’héritier réservataire (les enfants ou à défaut le conjoint). Si vous voulez donner à vos beaux-enfants, vous pouvez aussi opter pour l’assurance-vie.

Bon à savoir

La clause bénéficiaire est un élément clé d’un contrat d’assurance-vie. Elle permet de transmettre l’épargne aux personnes bénéficiaires du contrat, dans le cadre fiscal avantageux de l’assurance-vie. Soignez par conséquent sa rédaction en demandant conseil à votre notaire ou à votre assureur-vie.

5 L’assurance-vie : un outil de choix

La répartition d’un capital investi en assurance-vie étant très souple, il est possible d’attribuer des sommes d’argent différentes à chaque enfant. Mais soyez vigilant : selon la loi, les enfants doivent recevoir une partie du patrimoine de chacun de leurs parents. Une personne qui souhaiterait privilégier un seul de ses enfants en le désignant unique bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie prend le risque d’être attaquée par ses autres ayants droit en disant que les primes versées étaient manifestement excessives. Si cette action aboutissait, celles-ci pourraient être rapportées à la succession et réduites pour atteinte à la réserve.

« Ceci est exact si les biens de la succession ne permettent pas de servir les autres ayants droit de leur part dans la succession de la personne
décédée »
, précise la notaire.

Autre intérêt de l’assurance-vie : le capital n’est pas intégré dans la succession. Elle est, par conséquent, soumise à une fiscalité différente en cas de décès et surtout plus attractive. L’assurance-vie bénéficie d’un abattement qui dépend de l’âge du souscripteur au jour du versement des primes et de la date à laquelle le contrat d’épargne a été souscrit, Par exemple, les contrats souscrits après le 20 novembre 1991 par une personne de plus de 70 ans bénéficient d’un abattement de 30 500 euros tous contrats d’assurance-vie confondus.

Pour en savoir plus…

Petit lexique pour mieux comprendre le jargon du notariat

Vocation successorale
Pour pouvoir hériter, il faut avoir vocation à recueillir la succession. Or tout le monde n'est pas désigné par la loi comme ayant vocation successorale. Il n'y a pas de vocation successorale entre pacsés ou concubins.

Droits de succession
Tous les héritiers doivent payer au fisc des droits de succession sur la part nette de l’héritage qui leur revient. Ils sont calculés sur la valeur des biens transmis, selon un barème progressif et après déduction d’un abattement.

Séparation de biens
Avec ce type de régime matrimonial, chacun est responsable et propriétaire des biens, meubles comme immeubles, qu'il a acquis, que ce soit avant ou après le mariage. Le conjoint a ainsi tous les droits sur ses propres biens, par exemple, celui de les vendre sans demander l’avis de l’autre.

Communauté universelle
Avec ce régime matrimonial, contrairement à la séparation de biens, la totalité des biens du couple est commune aux deux époux et partagée par moitié lors de la dissolution de l'union.

Patrimoine propre
Dans le cas d'adoption par les époux d'un régime de communauté, le patrimoine propre désigne l’ensemble des biens appartenant exclusivement à l’un des époux, soit que ce bien ait déjà fait partie de son patrimoine avant le mariage, soit qu'il l'ait reçu pendant le mariage (succession, donation, legs).

Pleine propriété
En droit, ce terme désigne la propriété complète, par opposition à la nue-propriété ou à l’usufruit. « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » mentionne l’article 544 du Code civil.

Usufruit
L'usufruit est le droit d’utiliser un bien (par exemple, habiter un appartement) ou d’en percevoir les fruits (par exemple, encaisser des loyers). L’usufruitier ne peut aliéner le bien (le vendre ou le donner).

Nue-propriété
La nue-propriété est le droit de disposer d’un bien à sa guise (par exemple, vendre son appartement en ayant l’accord de l’usufruitier), et éventuellement le modifier ou le détruire, sans toutefois permettre d'en jouir ou d'en user, ces deux prérogatives appartenant à l'usufruitier. 

Quotité disponible
Fraction du patrimoine qu’une personne peut transmettre librement (par donation ou testament) sans mettre en cause les droits des héritiers réservataires (descendants, conjoint survivant, voire ascendants si ni conjoint ni enfants ou ascendants). Elle dépend de la composition de la famille du donateur ou du testateur. Elle est de la moitié si le défunt laisse un enfant, d'un tiers s'il y a deux enfants, d’un quart s'il y a trois enfants ou plus. Sans enfants, si le défunt laisse des ascendants, la quotité disponible est de trois quarts.

Donation partage
La donation-partage permet, de son vivant, de partager entre ses héritiers présomptifs, tout ou partie de ses biens. Il est possible d’effectuer une donation-partage au profit de ses enfants, et/ou de ses petits-enfants (appelée donation-partage transgénérationnelle). L’héritier présomptif est, quant à lui, la personne désignée d’avance par la parenté ou par l’ordre de naissance pour succéder à quelqu’un pour en hériter.

Part réservataire
En France, il est interdit de déshériter ses enfants. La loi (article 912 du Code Civil) leur assure a minima une part des biens successoraux. Cette part est dite « réserve héréditaire ».

Legs
Disposition testamentaire selon laquelle la personne défunte lègue certains biens à un légataire. Le legs se distingue de la donation qui prend effet du vivant du donateur. 

Extinction de l’usufruit
On entend par extinction, la fin de l’usufruit. Cette extinction de l’usufruit peut intervenir suite à différents événements. Parmi les principales causes figure le décès de la personne.

Clause bénéficiaire
Dans un contrat d’assurance-vie, la clause bénéficiaire désigne les personnes qui ont été choisies par le souscripteur assuré pour recevoir des capitaux à son décès.

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L'Essentiel de l'article
  • Le mariage reste la protection la plus efficace en France pour protéger son conjoint après son décès.
  • Il existe une « réserve héréditaire » prévue par la loi au profit des enfants.
  • Pour augmenter les droits du conjoint, il est possible de rédiger un testament ou de faire une donation.
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