Changement climatique : quels impacts sur les allergies ?

Le changement climatique et la pollution de l’air ont un impact sur les allergies et le nombre de personnes qui en souffrent ne cesse d’augmenter en France. Suivant les régions, la nature des végétaux change avec le réchauffement et les périodes de pollinisation évoluent. Analyse de la situation avec Sébastien Lefèvre, président du Conseil national professionnel d’allergologie (CNPA).

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Rédaction SoPress

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Comment a évolué le nombre de personnes allergiques en France ces dernières années ?

Sébastien Lefèvre : Nous constatons que les cas d’allergie ont énormément augmenté depuis plusieurs décennies. En 1962, lors de l’établissement d’un premier rapport national sur les allergies, il a été noté que 3 % des Français étaient touchés par des allergies. Ce chiffre grimpe à 30 % actuellement, d’après le livre L’Homme malade de son environnement1. Les causes environnementales expliquent la forte augmentation de ce nombre. Les allergies actuelles témoignent clairement d’une désadaptation de l’homme à son environnement.

Comment expliquez-vous que les cas d’allergies aient explosé à ce point ?

S. L. : C’est une accumulation de phénomènes. À cause du dérèglement climatique, les périodes pendant lesquelles les pollens flottent dans l’air débutent plus précocement et sont plus longues. De plus, il y a moins de pluies qui plaquent les pollens au sol. Plutôt que de parler de « changement climatique », je préfère utiliser le terme de « dérèglement climatique ». Ce dérèglement global se constate au fil des années dans l’ensemble de la France avec des périodes saisonnières changeantes : les hivers sont plus doux et les printemps commencent plus tôt notamment. Les végétaux éprouvent du stress à cause de ce dérèglement et sécrètent davantage de protéines de défense qui sont contenues dans les pollens. Les noisetiers par exemple commencent leur pollinisation dès la fin de l’année, alors qu’il y a dix ans, ce n’était pas avant en février.

La pollution de l’air joue-t-elle également un rôle dans l’augmentation des allergies ?

S. L. : La pollution de l’air influence doublement les situations allergiques. D’une part, les particules fines qu’on trouve dans l’air pollué vont obstruer les voies respiratoires, nez et bronches, et les fragiliser. D’autre part, ces mêmes particules fines vont rentrer en collision avec les pollens et les faire exploser dans l’air, avant qu’ils ne touchent le sol. Les pollens libèrent alors leurs protéines allergisantes.

Les allergies sont-elles les mêmes selon les différentes régions françaises ?

S. L. : Les allergies les plus fréquentes, c’est-à-dire les rhinites/conjonctivites et l’asthme, concernent toutes les régions françaises, mais elles ne sont pas provoquées par les mêmes végétaux et aux mêmes périodes. Dans la partie nord de la France, les pollens proviennent des noisetiers, des aulnes et des bouleaux durant la période allant de fin décembre à avril, puis il y a les pollens de graminées entre avril et mi-juillet. Dans la partie sud de la France, ce sont les cyprès qui génèrent des pollens, en novembre et décembre. Dans la vallée du Rhône et la région lyonnaise, il y a également l’ambroisie, une plante fortement allergisante, durant les mois de juillet et août. Nous constatons d’ailleurs que ces zones évoluent : les arbres et les plantes se « déplacent ». Au fil des années, les cyprès et l’ambroisie remontent progressivement vers le Nord. Le dérèglement climatique fait évoluer la végétation en France depuis plusieurs décennies, car ces espèces ne poussaient pas du tout dans certaines régions à cause d’un climat plus froid.

Les allergies sont-elles dangereuses ?

S. L. : Avec les rhinites/conjonctivites, il n’y a pas de danger vital, mais comme les durées des symptômes s’allongent, les traitements sont plus longs, que ce soient par antihistaminiques, sprays nasaux ou collyres oculaires. Les rhinites/conjonctivites provoquent surtout des effets indésirables qui peuvent gâcher la vie de tous les jours et empêcher d’aller travailler. Par contre, l’asthme est encore mortel en France, avec 1000 à 2000 décès chaque année. Ce chiffre stagne alors qu’il devrait baisser, car l’asthme est une maladie chronique que nous savons très bien traiter aujourd’hui. Mais, lors de pics polliniques, certains asthmatiques font des crises aiguës qui se révèlent mortelles.

Quels coûts représentent les allergies en France ?

S. L. : Les rhinites/conjonctivites légères représentent un coût de 13 millions d’euros par an en France, car elles génèrent une baisse de la productivité au travail et de l’absentéisme. Pour les rhinites sévères liées aux pollens d’ambroisie, le coût monte à 40 millions d’euros par an. Enfin, le coût de l’asthme est considérable pour la société : 900 millions d’euros sont dépensés chaque année en hospitalisation en France. Avec évidemment un coût humain, car il y a beaucoup de décès.

La France est-elle suffisamment dotée en médecins allergologues ?

S. L. : Malheureusement, non. Comme il y a de plus en plus de patients, il devient de plus en plus difficile pour eux d’obtenir un rendez-vous. Aujourd’hui, il faut compter neuf mois de délai pour voir un allergologue. Il y a actuellement 800 allergologues en France. Un chiffre qui monte à 1200 praticiens si nous ajoutons les autres spécialistes, généralistes et pédiatres formés à l’allergologie. Mais c’est trop peu : 35 nouveaux allergologues sont formés chaque année, il en faudrait 80 !

Comment voyez-vous évoluer la situation des allergies en France ?

S. L. : Je ne suis que spectateur de la situation... et plutôt fataliste. Les pouvoirs publics n’ont pas pris la pleine mesure des changements de l’environnement. Les rapports du GIEC2 devraient être suivis de décisions plus concrètes. En soignant les patients, nous traitons les conséquences du dérèglement climatique et de la pollution de l’air, mais pas les causes.

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