Comment les jeunes vivent la crise climatique ?

Tout le monde semble s’être rendu à l’évidence, la crise climatique est bien là. L’éco-anxiété touche de plus en plus de gens. Mais quels rapports entretiennent les moins de 20 ans avec les sujets environnementaux ? Rencontre avec des enfants et des adolescents qui racontent leur rapport aux bouleversements qui s’annoncent.

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Rédaction SoPress
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« Je suis inquiet pour la planète, parce que personne ne fait attention et tout le monde jette ses déchets par terre, dans la mer ou dans la rue. » Oscar, 7 ans, habite dans le Val-d’Oise. Depuis son entrée en CP, il s’intéresse de plus en plus à l’environnement. « On en parle un petit peu avec la maîtresse. Elle nous explique qu’il faut faire attention à la planète, qu’on en a qu’une et qu’il ne faut pas polluer. » L’autre jour, avec son amie Anna, il a même entrepris de ramasser les mouchoirs et les papiers qui traînaient dans la cour de récréation.

Jeune génération préoccupée

« L’école a un rôle fondamental à jouer pour sensibiliser les enfants aux sujets environnementaux », décrypte Anaïs Rocci, sociologue au sein de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Chaque année, l’Ademe publie un baromètre sur les représentations sociales du changement climatique. La dernière édition est sortie en décembre 2023. « La question environnementale fait partie des préoccupations principales des jeunes, poursuit l’experte. Elle est dans le top 2 des 15-17 ans, juste après l’inflation. C’est la seule tranche d’âge pour qui l’environnement arrive aussi haut. Et parmi tous les sujets liés, c’est le réchauffement climatique qui inquiète le plus (64%), loin devant la dégradation de la faune et de la flore (31%) ou la pollution de l’eau (35%). »

Ne pas céder à la panique

Un constat que partage Sixtine, 16 ans. L’adolescente vit en Indre-et-Loire. Elle a été frappée par les températures « quasi-estivales » ressenties à Noël. « C’est tangible. Quand on sort avec un petit pull en décembre, forcément on se dit qu’il y a un problème. » Pour autant, la jeune femme refuse de céder à la panique. « Pendant le confinement, je me renseignais beaucoup sur ces sujets et ça me créait de l’anxiété. Je voyais bien qu’à mon échelle, je ne pourrais pas régler tous les problèmes décrits sur les réseaux sociaux et dans les médias. C’est effrayant, on parle de la fin de l’Humanité. Donc j’essaie de prendre du recul. J’opère quelques petits changements, mais je ne veux plus nourrir un stress par rapport à l’écologie. Ça ne changera pas grand-chose, si ce n’est me pourrir la vie. » Ainsi, si dans son quotidien l’adolescente privilégie les trajets à vélo, elle le fait davantage « parce que c’est pratique que pour sauver la planète ».

À en croire les données de l’Ademe, de nombreux jeunes de l’âge de Sixtine partagent le même fatalisme. « Cela peut s’expliquer par le sentiment que les acteurs qui seraient les plus à même d’agir ne jouent pas leur rôle. Il y a une véritable lassitude vis-à-vis de ces injonctions aux petits gestes », explique la sociologue Anaïs Rocci. « Je trouve qu’il y a beaucoup de pression sur notre génération pour porter les changements nécessaires, renchérit de son côté Sixtine. C’est rude de devoir faire face, seuls, à ce problème existentiel pour l’être humain. Ce devrait être aux organisations internationales de faire bouger les lignes, ce sont elles qui ont le pouvoir. »

De la prise de conscience à l’action

Même s’ils sont globalement plus inquiets et avertis que les générations antérieures, les jeunes n’ont pas des pratiques plus vertueuses que le reste de la population, nuance Anaïs Rocci. Par exemple, seuls 72 % des 15-17 ans déclarent trier leurs déchets, contre 83 % des Français en moyenne. Pareil pour la consommation : 43 % des 15-17 ans et 40 % des 18-24 déclarent consommer moins, contre 56 % des Français en moyenne. Ce qui n’empêche pas certains de se mobiliser, comme Victor, 19 ans. Il fait partie des 19 % de 18-24 ans qui participent à des manifestations pour le climat. « Ça aide à se sentir moins seul, moins impuissant », ajoute-t-il. Sa génération est aussi celle qui s’engage le plus dans des associations de protection de l’environnement (15 % des 18-24 ans, contre 8 % des Français en moyenne). Mais elle compte simultanément le plus de climatosceptiques : 6 % des 18-24 ans restent persuadés que le changement climatique est un leurre, soit deux fois plus que la moyenne nationale.

Pour lutter contre ce phénomène, les médias ont un rôle essentiel à jouer. Mais cela ne peut se faire sans une remise en question profonde sur la manière dont y sont traitées ces thématiques. « Aujourd’hui, 57 % des jeunes ont le sentiment de ne pas connaître les sources fiables sur les sujets environnementaux », poursuit Anaïs Rocci. Pourtant, ils préfèrent consulter les réseaux sociaux aux dépens des médias traditionnels. C’est le cas de Sixtine, qui, comme de nombreux jeunes de son âge, ne rate jamais une vidéo du Youtubeur Hugo Décrypte, dont les vidéos concises vulgarisent l’actualité quotidienne. « Ils estiment que la manière dont les médias traditionnels traitent les sujets environnementaux est trop négative et angoissante, martèle Anaïs Rocci. Les réseaux leur proposent des contenus plus clairs, plus concis, plus positifs, avec des solutions et des perspectives concrètes qui répondent mieux à leur besoin. Cela leur apporte plus de sérénité par rapport aux angoisses qu’ils peuvent ressentir. »

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