Vers qui se tournent les ados pour parler de leurs problèmes ?

Connu·e·s pour être des éponges émotionnelles, les adolescent·e·s absorbent les anxiétés tant des parents que celles de la société. Inquiets, les professionnels de la santé mentale et de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent alertent « sur le besoin d’une refondation » du système de soins psychiques infanto-juvéniles. Mais en attendant, vers qui se tournent les ados pour parler de leurs misères ?

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Rédaction SoPress

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L’ado qui va mal, dans l’imaginaire collectif, relève presque de la banalité. Cheveux gras, humeur lunatique, insolence… Cette crise qu’hommes et femmes traversent à la puberté est un topo parfaitement intégré. Au-delà d’une série de changements corporels, l’adolescence marque par son lot d’angoisses. Les adultes ont beau répéter que « ça va passer », que « c’est qu’une période » et que « ça ira mieux après », personne n’y croit. Les peurs sont diverses et parfois se rallient entre elles : peur d’être rejeté, peur d’abandon, peur de l’échec, peur d’être différent, peur de l’avenir… Comme le disait si bien François Truffaut : « L’adolescence ne laisse un bon souvenir qu’aux adultes ayant mauvaise mémoire. »

Plus de quatre ados sur dix touchés par des troubles anxieux

Sauf que voilà : depuis les confinements, pédiatres et pédopsychiatres ne cessent d’alerter sur la dégradation mentale des jeunes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : ils sont plus de quatre sur dix à être touchés par des troubles anxieux(1). Comment l’expliquer ? D’abord, il y a l’actualité. « Depuis trente ans, le champ sémantique de la “crise” irrigue les discours politiques et alimente les flashs infos. Qu’il s’agisse d’économie, de terrorisme ou de pandémie, les crises se succèdent indéniablement. Les adolescent·e·s d’aujourd’hui sont les enfants de ces secousses », écrit la Fondation Jean-Jaurès. Sans surprise, l’état de la planète et de la nature préoccupe les jeunes : 54 % d’entre eux se déclarent stressés lorsqu’ils en entendent parler. Même pourcentage pour ce qui est des violences faites aux enfants. « Perso, mon stress concerne plus les études, confie Jeanne, lycéenne âgée de 17 ans. Surtout lorsque tu es en dernière année de cursus. Tous les ans, on a droit à une nouvelle réforme qui change tout notre planning. Les profs nous mettent la pression, on ne se sent pas soutenu. Ça nous stresse et surtout, on ne sait pas vers qui se tourner – à part nos ami·e·s qui sont dans la même situation… Bref, c’est la galère. »

« C’est la honte d’aller voir la psychologue scolaire »

L’adolescente reconnaît quelques avancées, notamment pour la sexualité : « Récemment, un grand van s’est installé dans la cour du lycée. On pouvait se renseigner, poser des questions. Et si on avait des problèmes, on pouvait aussi en parler. » Malheureusement, ce progrès se voit terni par un autre sujet : le harcèlement scolaire. Selon les dernières statistiques publiées en 2023, entre 800 000 et 1 000 000 d’élèves seraient victimes de harcèlement chaque année, soit 6 à 10 % des effectifs. Alarmant. « Dans mon ancienne classe, une fille se faisait harceler par des camarades, regrette Jeanne. Mais elle n’a jamais rien dit, on ne l’a su qu’en fin d’année qu’elle avait quitté le lycée en raison de ce harcèlement. » Si le mal-être appelle à la parole, à la verbalisation, encore faut-il avoir conscience du problème. « Un trait saillant de notre enquête est l’absence de prise de conscience de la nécessité d’un suivi psychologique chez les adolescent·e·s, écrit la fondation Jean-Jaurès. Pire peut-être, ils ou elles déclarent même aller relativement bien. » Dans les rares exceptions où l’adolescent·e reconnaît son anxiété, il ou elle choisira d’abord de se confier à ses proches : 56 % affirment ainsi parler à leurs parents, 58 % déclarent se tourner vers leurs amis.

Pour Jeanne, ce sont les ami·e·s avant tout. « Ça dépend des personnes, mais j’ai l’impression que beaucoup de jeunes préfèrent cacher des choses à leur famille. Pour parler de nos problèmes, on privilégie les ami·e·s, et on évite les adultes. » Pas étonnant donc, d’apprendre que plus de huit adolescent·e·s sur dix en situation de mal-être ne sont pas allés se confier à un·e psychologue, psychiatre, médecin, infirmier·ère de l’établissement scolaire ou encore professeur·e. « De ce que j’entends, c’est la honte d’aller voir la psychologue scolaire, observe la lycéenne. Se confier à un adulte, c’est bizarre. Pour nous, aller voir un psychologue, c’est avoir un problème vraiment très grave. »

58 % des ados se tournent vers leurs ami.e.s

56 % vers leurs parents

En cas de mal-être, 38 % se rabattent sur les réseaux sociaux

Autre problématique : « parler » ne veut pas toujours dire échanger de façon orale et de visu. Lorsqu’ils se sentent mal, les adolescents semblent avoir tendance à se tourner vers les écrans – téléphone, télévision, tablette ou jeux vidéo) de manière massive : « Presque deux tiers d’entre eux (62 %) regardent plus souvent l’écran que d’habitude en cas de mal-être, rapporte la Fondation Jean-Jaurès. De même, plus d’un tiers des adolescent·e·s (38 %) se rabat sur les réseaux sociaux en situation de mal-être. » Pour donner une idée, les ados passent en moyenne presque trois heures quotidiennes sur le smartphone et jusqu’à six heures par jour sur les écrans.

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