Loin des clichés, les bienfaits des jeux vidéo

Construire sa propre ville et veiller sur ses habitants, partir à l’aventure au Moyen Âge, résoudre des casse-tête… Loin des clichés d’inaptitude sociale, les jeux vidéo permettent de développer entre autres la concentration et la réactivité. Le secret : le choix du jeu et la modération du temps passé. Éclairage.

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Le jeu vidéo, bouc émissaire

« On a le sentiment, parfois, que certains d’entre eux vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués. » À l’été 2023, en marge des émeutes suite à la mort de Nahel, Emmanuel Macron signait ce constat un brin cliché, et déjà exprimé en France, ou ailleurs. Aux États-Unis, la thèse des jeux vidéo qui rendent violent ressort à chaque fusillade de masse. « Il n’y a aucune preuve légitime qui le prouve », balaye pourtant Milan Hung, psychologue clinicienne, spécialisée dans les usages du numérique et du jeu vidéo.

Membre de l’observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, elle reprend : « Le contraire a été prouvé par de nombreuses études. Avec un jeu vidéo, on exprime une agressivité courte et temporaire, comme l’on peut exprimer de la tristesse devant un film. Politiquement, le jeu vidéo a été utilisé comme bouc émissaire. C’est plus facile de critiquer les jeux vidéo que la politique vis-à-vis des armes à feu… » En vérité, les études prouvent que les jeux vidéo regorgent de bienfaits.

Une heure de Call of Duty® par jour

« Les jeux vidéo abrutissants » rendent en vérité plus intelligent, amorce Milan Hung : « On a eu beaucoup de preuves conséquentes sur les bienfaits cognitifs des jeux d’actions et de stratégie en temps réel. Les études se sont notamment penchées sur Call Of Duty® ou Starcraft II®. Cela a démontré que ce genre de jeu, sur une heure, améliore les compétences d’analyses, de réflexes, et d’attention focalisée. »

Dans la pratique, les accros à la manette confirment, à l’image de Magalie, mère de famille accro à World Of Warcraft® (WoW, pour les initiés) : « Cet aspect cérébral est central à mes yeux, puisqu’il faut faire des quêtes, lire, chercher, réfléchir. » À tel point qu’avec son conjoint, cette infirmière a décidé de faire des jeux vidéo un pilier de l’éducation de ses trois enfants : « On est ouvert aux jeux vidéo, qui ont un vrai côté éducatif, d’apprentissage, notamment dans des jeux de réflexions où il faut chercher des solutions, à des jeux stratégiques, éducatifs, des mondes ouverts comme ceux de Mario, ou des jeux de construction comme Lego ou Minecraft. »

Cette part de réflexion, c’est aussi ce qui a séduit Quentin, 32 ans, féru des jeux de stratégie et de gestion : « Dans ces jeux, tu n’es rien et tu crées tout. Il faut aller vite, mais pas trop, pour développer sa civilisation, son personnage. Quand tu gagnes, il n’y a aucune part de chance, c’est du mérite. » Cet ancien sportif de haut niveau y retrouve même l’adrénaline qu’il ressentait auparavant dans les piscines. Pour Loris, journaliste, jouer est aussi un outil pour… mieux travailler : « Les jeux de stratégie demandent une certaine réactivité entre la prise de décision et le timing, ça aide à analyser des situations en gardant son sang-froid, sans s’emballer. J’ai beaucoup progressé là-dessus, c’est utile quand je suis sous pression au travail. »

Bijoux de culture

Autre bénéfice des jeux vidéo : leur richesse culturelle. « Le jeu vidéo est vu à tort par certains comme un appauvrissement de la culture. L’exemple le plus frappant, c’est Assassin’s Creed Origins® », rappelle la psychologue Milan Hung. Les jeux historiques fourmillent en effet de détails, au point que Quentin, diplômé en histoire à l’université, assure « avoir plus appris sur Age of Empire® que dans certains amphis ». Loris, lui, a « du mal à accrocher à un jeu si c’est uniquement divertissant », et confie même n’avoir « aucun mal à pleurer devant un jeu vidéo, de la même manière que devant un film ».

Outils de socialisation

Enfin, les jeux vidéo sont vecteurs d’une sociabilité nouvelle, loin du cliché du joueur enfermé dans sa chambre. « Il peut aussi être un refuge face à des réalités parfois violentes, traumatisantes. Quand on n’arrive pas à créer des liens sociaux dans la réalité, les jeux vidéo peuvent pallier cette socialisation manquée », explique Milan Hung. Nos trois témoins affirment d’ailleurs tous avoir noué des amitiés fortes grâce aux jeux vidéo, d’abord en ligne, puis IRL (In real life, dans la vraie vie, ndr). « Le confinement a renforcé l’aspect social, je n’ai jamais autant joué en ligne avec des gens, parce qu’on était privé du contact physique », abonde Loris.

« C’est d’ailleurs une excellente manière de dialoguer avec les patients, mais aussi entre parents et enfants », conseille Milan Hung. Elle ajoute : « Il faut s’y intéresser. Inscrire son enfant au théâtre ou au foot, et ne jamais aller le voir serait tout aussi grave que de ne pas parler de jeux vidéo avec lui. » Si le sujet reste teinté de nombreux clichés, les jeux vidéo n’ont en réalité jamais été aussi bénéfiques qu’aujourd’hui.

Le 16 septembre dernier, le président Emmanuel Macron a d’ailleurs fait machine arrière sur X, en publiant un long plaidoyer pour les jeux vidéo, « une chance pour la France, pour notre jeunesse et son avenir, pour nos emplois et notre économie ».

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