3 conseils pour comprendre le véhicule autonome

Des voitures sans conducteur ? Cela pourrait arriver plus vite que vous ne le croyez avec le développement du véhicule autonome. Mais quels sont les avantages de ce véhicule, quels sont les freins à son développement et quels en seront ses usages ? Réponses avec Yann Arnaud.

Temps de lecture : 15 min

à propos du contributeur

Yann Arnaud

Spécialiste des nouvelles mobilités au sein du Groupe Macif

Paris

1 Voiture autonome : quels avantages ?

Le véhicule autonome dispose d’une intelligence artificielle. Il est composé de caméras et de capteurs qui lui permettent de comprendre l’environnement dans lequel il se trouve, s’y déplacer et même interagir avec les autres véhicules autonomes. Grâce à cette technologie, le véhicule autonome devrait à terme permettre d’améliorer la sécurité et de réduire le nombre d’accidents. Selon certaines études (1), le nombre d’accidents de la route pourrait baisser de 90 % avec la généralisation de la voiture totalement autonome. Cependant, sur les décennies à venir, la coexistence de véhicules à conduite déléguée avec des véhicules plus anciens pourrait faire émerger de nouveaux types d’accident.

Les erreurs humaines sont aujourd’hui responsables de près de 93 % des accidents (2). Par ailleurs, un conducteur met environ une seconde à appuyer sur la pédale de frein en cas d’obstacle sur la route ; temps qui peut être allongé par la fatigue par exemple. En somme, une faille humaine… Sur ces aspects, les « réflexes » du véhicule autonome seront potentiellement bien meilleurs. Par contre, il faut bien réaliser que la décision de freiner en urgence découle de l’analyse instantanée de centaines de paramètres qui caractérisent la situation, de la compréhension des éléments constituant le danger et qu’il faut donc une puissance de calcul et de traitement phénoménale pour prendre une décision pertinente : ce n’est malheureusement pas encore le cas et il reste beaucoup de travail aux ingénieurs pour réussir à donner à une machine les qualités minima possédées par la plupart des conducteurs humains. Il y aura donc une période de transition qui pourrait durer 30 à 40 ans, avant que le véhicule autonome n’offre toutes ses promesses. Le chemin pour parvenir aux bénéfices attendus de la part du véhicule robot sera donc très long et très incertain…

En réalité, le véhicule autonome n’est que la suite d’un mouvement entamé depuis les années 1970 et destiné à diminuer le nombre d’accidents : ceinture de sécurité, airbag, ABS, ESP, régulateur de vitesse, aide au parking…

Grâce aux datas, les véhicules autonomes détermineront la vitesse idéale de déplacement : cela permettra d’éviter les congestions de circulation. En effet, les véhicules communiqueront entre eux sous forme de notifications et s’autoréguleront, en vitesse et parcours, pour éviter les bouchons. La voiture de demain pourra également interagir avec son environnement, par exemple avec la route ou les panneaux de signalisation qui seront soit eux aussi connectés, soit reconnus par le véhicule. Les infrastructures seront elles aussi équipées de capteurs et autres dispositifs de détection. Infrastructures routières intelligentes et véhicules autonomes s’échangeront donc des données de façon automatique via la 5G. Ainsi, en cas d’accident, de chaussée bloquée, mais aussi de conditions météorologiques particulières (gel, pluie, etc.), la route enverra des informations vers les véhicules pour qu’ils adaptent leur comportement. Avec ce système, fini les écarts de vitesse entre chaque véhicule, c’est le trafic tout entier qui avancera au même rythme. Les distances de sécurité seront bien respectées et le Code de la route sera appliqué à la lettre.

Mais au-delà des avantages pour votre sécurité, cela devrait apporter un bénéfice certain pour l’environnement avec la diminution des embouteillages. Les embouteillages sont aujourd’hui le fruit d’accidents, de travaux, de rétrécissements de la chaussée, mais surtout d’une saturation du trafic. La route intelligente et les voitures autonomes devraient permettre de fluidifier le trafic, de réduire les embouteillages et d’avoir un impact positif sur la pollution dans les grandes villes.

Mais l’impact écologique devrait être principalement lié au fait que ces nouveaux véhicules seront probablement propres, c’est-à-dire roulant à l’électricité ou à l’hydrogène. Cette transition écologique dans le secteur automobile est d’ailleurs engagée puisque le gouvernement français a annoncé la fin de la vente de voitures à moteur thermique d’ici 2040.

Si le véhicule de demain est autonome, cela signifie que vous n’aurez plus besoin de le conduire ! Le temps de trajet deviendra un temps dont vous pourrez disposer librement. Vous pourrez par exemple utiliser ce temps pour travailler ou pour vos loisirs : lecture, visionnage de films ou de séries, communication avec vos proches, réunion à distance, etc. À condition de garder votre ceinture de sécurité bien sûr !

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C’est le nombre de véhicules autonomes nécessaires pour remplacer 14 000 taxis new-yorkais selon des chercheurs du MIT.*

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Partager pour rouler moins cher

Pourvu de nombreux équipements extrêmement sophistiqués, le véhicule autonome devrait être très cher : probablement 50 % à 100 % plus cher qu’un véhicule classique. Un prix excessif pour de nombreux foyers même en comparaison des bénéfices qu’il apportera. Afin qu’il devienne une solution d’avenir, le véhicule autonome – et donc son coût – sera sans doute partagé entre différents utilisateurs.

Partager sa voiture ou louer celle de son voisin est déjà devenu très courant. En effet, dès à présent, 62 % des Français disent oui au covoiturage (3), des voitures en libre-service ou en autopartage sont disponibles dans la plupart des villes et la location de véhicules entre particuliers s’est démocratisée (3 % des locations en 2015 (4)). Le véhicule autonome pourra donc s’inscrire dans la lignée de ces nouveaux usages, économiques et conviviaux, qui séduisent de plus en plus de Français.

On peut notamment imaginer un système de location entre particuliers ou des systèmes gérés par des entreprises ou collectivités locales qui disposeraient de parcs automobiles entiers. Les véhicules autonomes seraient mis à la disposition des usagers qui n’auraient qu’à réserver leur véhicule au travers d’une application mobile ou d’une plateforme numérique dédiée. Un système de voiture à la demande qui devrait optimiser le partage de ce véhicule coûteux.

Les sociétés de VTC sont d’ailleurs en force sur le sujet. D’ici 2030, il pourrait y avoir jusqu’à un tiers des kilomètres faits, dans le monde, au travers de véhicules autonomes à la demande (2). Mais ce sont aussi les transports en commun et notamment les bus qui seront autonomes. En 2017, les premières navettes autonomes entraient dans la circulation : la RATP a expérimenté de nouveaux véhicules à Vincennes et Transdev a mis en circulation deux minibus autonomes sur le parc d’activités de Rungis dans le Val-de-Marne.

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3 Les freins au développement du véhicule autonome

Aujourd’hui, le véhicule autonome n’est pas tout à fait prêt ! Technologiquement, plusieurs accidents lors de tests prouvent que l’intelligence artificielle est encore à développer pour faire face à des situations imprévues.

Au-delà du véhicule en lui-même, c’est bien la route qui doit évoluer, ainsi que sa réglementation. Le Code de la route va devoir s’adapter à l’arrivée de ces nouveaux véhicules. Ainsi, pour chacun des acteurs de cet écosystème – constructeurs, financiers, prestataires de services, collectivités locales, mais aussi réseaux de transport et assureurs – cela implique des évolutions importantes de leur métier. Par exemple, à l’heure de la généralisation de la donnée automobile et de la connexion des véhicules, les constructeurs ne devront plus simplement être des fabricants, mais aussi des experts du service et de l’utilisation des données. De leur côté, les assureurs devront tenir compte de l’évolution probable du risque individuel (un conducteur, un véhicule, un usage), à un risque sériel : l’assurance de flottes de véhicules utilisés par des consommateurs multiples.

Autre point bloquant : la cohabitation entre véhicules autonomes et véhicules traditionnels. Car malgré tous ces radars, caméras et capteurs, il est difficile pour le véhicule autonome de se mouvoir dans un environnement composé d’innombrables carrefours, de routes parfois non marquées au sol, de camions de livraison arrêtés sur la voie, de voitures qui déboîtent sans clignotant, de scooters qui se faufilent, etc. Pour l’heure, les tests qui ont un lieu dans le trafic routier montrent que le véhicule autonome hésite face aux comportements humains. Il peut par exemple rester bloqué indéfiniment à l’intersection d’un carrefour sans signalisation ou rouler par à-coups. Le véhicule autonome ne peut pas se baser sur tout ce qui relève de la gestuelle ou même des jeux de regards entre conducteurs. Pour fonctionner de façon optimale, le véhicule autonome doit par conséquent être généralisé. Il a besoin d’évoluer dans un environnement formaté. Les experts estiment que d’ici cinq à dix ans, certaines zones données, comme une partie de Paris intra muros, pourront passer au tout-autonome (5). Mais à une condition qui pourrait poser pas mal de polémiques : exclure tous les véhicules non autonomes de cet espace…

Le frein le plus important pour le développement du véhicule autonome reste cependant le frein psychologique. La confiance envers ce véhicule doit s’imposer, sans cela, le développement technologique ne suffira pas à contribuer à son émergence.

Actuellement, plus de 3 500 personnes meurent chaque année sur les routes françaises (3 684 en 2017 (6)). Un chiffre glaçant, mais qui est considéré comme en partie incompressible, car il est le résultat d’erreurs humaines. Les individus accepteront-ils un plus petit nombre d’accidents, mais causés ou non évités par des machines ?

Pour l’heure, près de 24 % des Français se disent prêts à rouler en voiture autonome. Ils sont un peu plus (25 %) à s’y opposer fermement (7).

K-City : une ville fantôme pour tester le véhicule autonome

Cette ville de 35 hectares a été inaugurée en octobre 2017 en Corée du Sud, dans le seul but d’effectuer des tests grandeur nature pour les véhicules autonomes.

4 Le véhicule autonome au service des plus fragiles

Certains publics se montreront sans doute plus enclins à monter à bord du véhicule autonome. D’une part, les férus de technologies, et d’autre part… les seniors : eh oui ! Car avec l’âge, nombre de personnes perdent leur capacité de conduire. Les nouvelles technologies pourront probablement permettre aux personnes âgées de maintenir leur liberté de mouvement.

De même, les publics fragiles, comme les personnes en situation de handicap pourront peut-être demain bénéficier des avantages du véhicule autonome. Ils retrouveront ainsi une liberté de mouvement et gagneront en autonomie : ils ne seront plus dépendants de personnes tierces et ne seront plus obligés d’emprunter les transports en commun. Ils pourront se déplacer seuls, sur de courtes et longues distances.

Autres bénéficiaires potentiels : les jeunes. En 2016, un quart des 18-35 ans (33 %) ont renoncé à un emploi ou une formation en raison de difficultés de déplacement (8). Les 18-24 ans sont d’ailleurs de moins en moins nombreux à passer leur permis de conduire selon un sondage d’Opinion Way (9) : 60 % d’entre eux étaient, en 2017, titulaires du permis B, soit 5 points de moins qu’en 2013… Cette baisse s’explique par des raisons financières pour 48 % d’entre eux, le permis coûtant en moyenne entre 1 000 et 1 200 euros. Si le véhicule autonome est partagé entre différents utilisateurs, il deviendra dès lors plus abordable au quotidien qu’un véhicule traditionnel. Le véhicule autonome représenterait alors une solution de retour à l’emploi pour ce public jeune.

Enfin, et de manière plus large, le véhicule autonome représente une opportunité extraordinaire pour les populations souffrant d’une exclusion territoriale, notamment les habitants n’ayant pas le permis et vivant dans des zones mal desservies par les réseaux de transports en commun, notamment les zones rurales et périurbaines. Des navettes autonomes pourraient, par exemple, desservir ces zones aujourd’hui délaissées. Beaucoup de collectivités locales, communautés de commune, régions, villes, acteurs du développement local ou coopératives sont très motivés et intéressés par l’opportunité de désenclavement géographique lié au véhicule autonome.

Les publics fragiles ou à l’autonomie réduite sont donc ceux qui ont le plus à gagner avec le développement de la voiture autonome. Le véhicule autonome dépassera donc sa fonction première de transport pour devenir un vecteur social d’intégration à la société.

Bon à savoir

Dès 1940, l’architecte américain Norman Bel Geddes, imagine en avance l’arrivée du véhicule autonome, les nouvelles infrastructures urbaines et les avantages de ceux-ci dans son livre Magic Motorways :

Les voitures de 1960 et les autoroutes sur lesquelles elles rouleront auront en elles les dispositifs qui corrigeront les défaillances de l’être humain en tant que conducteur. Ils empêcheront le conducteur de commettre des erreurs. Ils l’aideront à traverser les intersections sans ralentir ni ralentir les autres véhicules et sans mettre en danger sa vie ou celle des autres.

L'Essentiel de l'article
  • Sécurité, confort et décongestion des villes : les avantages du véhicule autonome.
  • Une voiture très chère qui nécessite d’être partagée.
  • Technologie, réglementation et confiance : les freins au développement du véhicule autonome.
  • Le véhicule autonome : une véritable opportunité pour les seniors, les handicapés et les jeunes !
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