Peut-on apprendre les bonnes habitudes alimentaires à son enfant ?

Barre chocolatée, chips, soda… Autant de tentations sucrées, salées et grasses pour les enfants! Savent-ils comment et pourquoi consommer raisonnablement ces aliments ? Peut-on leur apprendre les bonnes habitudes alimentaires ? Réponse avec Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive.

Temps de lecture : 5 min

à propos du contributeur

Anthony Fardet

Chercheur en alimentation préventive

Votre enfant préfère manger une brioche fourrée au chocolat qu’une banane et des fruits secs pour le goûter ? Il saute sur l’occasion dès que vous lui proposez un soda ? Rien d’étonnant à cela ! “ Les aliments ultra-transformés sont conçus pour être très appétant auprès des plus jeunes”, explique Anthony Fardet, docteur et chercheur en nutrition préventive. Pratiques à emporter, se consommant sur le pouce, agréables à mâcher et dotés de goûts faciles à reconnaître, ils ont tout pour plaire. Mais, bien que séduits par ces produits appétissants, les enfants semblent aussi avoir conscience de la nécessité de les consommer avec modération, comme Anastasia, 6 ans. “ C’est sympa les donuts, mais faut pas en abuser car sinon on aura des caries ou mal au ventre ! ” Écho d’un discours parental ou réelle prise de conscience ?

Les enfants peuvent-ils comprendre ce qui est bien ou pas pour leur santé en termes d’alimentation ?

Anthony Fardet : Ils sont capables de répéter les recommandations du PNNS (Programme national nutrition santé), comme « 5 fruits et légumes par jour » et « Mangez moins gras, salé et sucré », preuve qu’ils comprennent sans doute un peu ces notions. Mais en parallèle, ils focalisent à tort sur le « gras qui fait grossir ».

Les enfants ont-ils tort de penser que le « gras » et le sucre sont les ennemis de la santé ?

A.F. : En réalité, le vrai souci reste la consommation excessive d’aliments ultra-transformés riches en sucres cachés, sel et gras ajoutés de mauvaise qualité, qui poussent à consommer plus que de raison. Et il est effectivement démontré que cette consommation excessive est associée à un risque très accru d’obésité (au moins +26%)1. Les enfants retiennent donc cette notion car c’est une conséquence physique visible qu’ils associent à l’alimentation. Mais il s’agit d’une semi-vérité - on peut être en surpoids et en bonne santé, comme être mince et en mauvaise santé (diabétique par exemple) - qui stigmatise les personnes en surpoids ou obèses. Il est donc nécessaire d’expliquer aux enfants que le surpoids n’est pas toujours lié à la malbouffe.

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Comment alors expliquer aux enfants les risques d’une mauvaise alimentation ?

A. F. : Il faut rappeler aux plus jeunes que les aliments ultra-transformés sont le véritable problème, et non le sucre, le gras ou le sel en tant que tels. Mais les effets d’une mauvaise alimentation sur la santé, comme le diabète, soit ne se voient pas, soit ne se dévoilent qu’à long terme. C’est là que réside la principale difficulté de compréhension pour les enfants. Il faut alors essayer de leur expliquer avec du vocabulaire et des exemples à leur portée [mauvais fonctionnement de certains organes, nécessité de prendre des médicaments au quotidien ou d’aller chez le médecin régulièrement, etc.].

 

En Europe, l’apport en sucres libres (sucres ajoutés + sucres des jus de fruit et du miel) dans l’alimentation des enfants est compris entre 12 et 25 % de la ration énergétique totale nécessaire 2. Un taux trop élevé puisque la recommandation de l’OMS est de moins de 10 %. De leur côté, les adultes européens dépassent eux aussi souvent ce seuil (entre 7 et 17 % de la ration énergétique quotidienne).

Les parents peuvent-ils apprendre les bonnes habitudes alimentaires à leurs enfants ?

A.F. : En plus d’expliquer le principe des aliments ultra-transformés, on peut aussi essayer l’apprentissage de la lecture des étiquettes alimentaires, mais seulement en se basant sur la liste d’ingrédients, et non sur la composition [valeurs nutritionnelles pour 100g] qui n’est pas compréhensible pour un enfant. De façon générale, il me semble qu’il vaut mieux éduquer qu’interdire. Par exemple, il ne s’agit pas de bannir les sodas mais de les réserver à des occasions bien particulières, autant pour les plus jeunes que pour les adultes. Les enfants observent beaucoup les comportements des adultes et repèrent vite les contradictions. Aux parents donc d’être cohérents, et mesurés.

 

1 Askari, M.; Heshmati, J.; Shahinfar, H.; Tripathi, N.; Daneshzad, E., Ultra-processed food and the risk of overweight and obesity: a systematic review and meta-analysis of observational studies. International Journal of Obesity 2020.
2 OMS 2015
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