Les parents solos, des cas pas si isolés

Difficultés financières, manque de temps, organisation et relais à trouver… Si les mères et pères se retrouvant seuls à s’occuper de leurs enfants connaissent des difficultés pour gérer leur quotidien, certains trouvent des solutions voire parfois des bénéfices à leur situation. Rencontre avec quatre parents concernés.

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Rédaction SoPress

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Mères ou pères (même si ces derniers représentent moins de 20 %), ils sont de plus en plus nombreux à se retrouver seuls pour s’occuper d’un ou plusieurs enfants en France. Selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), la part de familles monoparentales est passée de 9,4 à 24,9 % de l’ensemble des familles en moins de 45 ans et 3,13 millions d’enfants étaient concernés en 2020 contre 1,49 million en 1990. Alors, comment ces parents solos gèrent-ils au quotidien, aussi bien les difficultés organisationnelles qu’émotionnelles ?

S’adapter à la vie en solo

Pour Alice, âgée de 33 ans lors du décès accidentel de son conjoint : « Ça a été difficile. J’ai eu la chance d’être entourée et soutenue par ma famille ainsi que par un cercle d’amis formidables. Ils m’ont été d’une grande aide pour continuer à m’occuper de mon fils de 8 mois. Mon employeur a également été compréhensif et j’ai pu bénéficier des services d’une assistante sociale qui m’a orientée sur certaines démarches administratives. Globalement, c’est très difficile de se dire qu’il va falloir tout assumer seule du jour au lendemain. Renoncer à cette vie à trois dont on avait rêvé, faire le deuil de la petite sœur que mon fils n’aura jamais… » Des propos qui font écho à ceux d’Aurélie, que deux séparations (l’une à 21 ans, l’autre à 28) ont laissée avec deux enfants en garde exclusive : « J’ai toujours eu ma mère à mes côtés. Si ma fille qui a 6 ans aujourd’hui était un “bébé magique”, ne pleurant jamais et dormant beaucoup, ça a été complètement différent avec mon fils de 13 mois. C’est un bébé qui pleure énormément, et c’est assez compliqué d’avoir un relais, car il ne veut que moi. »

Pierre, s’est retrouvé seul suite à une séparation deux mois après la naissance de son fils. Il a fini par trouver une solution de garde alternée avec son ex-compagne, chacun s’occupant de l’enfant une semaine sur deux : « Entre les heures de boulot et les allers-retours, c’était fatigant. Je n’avais pas d’autre personne sur qui compter ni le budget pour solliciter une aide extérieure, comme une nounou. Et puis, on veut prouver aux autres et à soi-même qu’on est capable de gérer seul. » Et Pierre d’ajouter : « Le regard des autres est difficile à supporter, car beaucoup pensent que c’est la faute du père si les parents sont séparés. On me faisait plein de remarques désagréables du genre : “Pourquoi tu t’investis autant ?” ou “Laisse-le à sa mère, ça sera plus simple”. C’est douloureux à entendre, parce que les parents solos ont le même amour et le même attachement à leurs enfants que les parents en couple. »

La charge mentale

Aurore a de son côté eu le malheur de perdre à 33 ans son compagnon (victime d’une maladie rare). En plus de son garçon de 8 mois, elle avait déjà une fille de 6 ans d’une précédente union. « Au départ, j’étais assez organisée, mais je n’avais pas encore repris le travail. Pour m’aider et me soulager, j’ai ma famille : parents, beaux-parents, amis. Mais allier vie de travail et vie de maman, cela va à mille à l’heure, raconte-t-elle. Il faut s’occuper des enfants le matin, travailler la journée puis de nouveau s’occuper des enfants le soir. Faire les devoirs, donner la douche, préparer à manger en même temps, anticiper les affaires du lendemain, prévoir le linge, ne pas oublier le ménage… On doit assurer sur tous les fronts, et la charge mentale atteint un seuil maximum épuisant. De plus, j’ai moins de temps à leur consacrer pour jouer et profiter de leur enfance. » En outre, ces parents solos connaissent souvent des problématiques économiques.

Comme le raconte Alice qui pourtant « bénéficie d’aides en qualité de mère isolée ». Aurélie, elle, parle de « complications au niveau de l’argent, malgré les aides de la Caf » (Caisse d’allocations familiales). Sous conditions, l’ASF (Allocation de Soutien Familial) versée par la Caf ou la MSA (Mutualité Sociale Agricole) peut en effet être perçue par toute personne qui élève seule son enfant et qui est privée de l’aide de l’autre parent.

Relation fusionnelle et écoute de soi-même

Dans ce contexte délicat, trouver des points positifs à ces vies en solo peut sembler difficile. « Comme je voyais mon fils tous les jours, raconte Pierre, j’ai pu le regarder grandir à des moments où ça va vite : l’apprentissage de la marche, la parole, les premières dents… J’ai pu créer un lien fort avec lui et profiter d’instants en tête-à-tête, ça a contribué à la construction d’une complicité. » En effet, tous évoquent la « relation fusionnelle » construite avec chacun de leurs enfants. « Mon fils ne connaîtra jamais son papa, déplore, quant à elle, Alice. Il est ma raison de vivre et ma force, c’est vrai. Et je suis convaincue qu’il y a des leçons à tirer de chaque épreuve de la vie, mais celle-ci est encore trop récente pour que je puisse en retirer quelque chose de bon. »

Avant de délivrer quelques conseils : « À mon sens, il faut à tout prix éviter de se projeter dans l’avenir. Vivre jour après jour, c’est la clé afin de pouvoir avancer à son rythme. Pour le reste, il faut laisser le temps faire son œuvre et ne pas hésiter à se faire accompagner par un psychologue ou un professionnel de santé si on en ressent le besoin. Il faut aussi apprendre à reconnaître ses limites et savoir demander de l’aide, ne pas hésiter à déléguer la garde de son enfant à ses proches par exemple pour pouvoir souffler ou se recentrer. Les enfants sont des éponges, ils ont besoin d’un parent épanoui pour se sentir heureux donc essayer de prendre soin de soi est essentiel. » Et Aurélie de conclure : « Il faut s’écouter, se faire confiance. Ne pas avoir honte de demander de l’aide, de se sentir fatiguée ou dépassée… Nous sommes des humains avant tout. »

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