Contrôle parental sur les écrans : parents vs ados

Entre parents et ados, le sujet des écrans est souvent sensible ou conflictuel. Quelles sont les stratégies adoptées par les parents pour limiter et contrôler l’exposition aux écrans de leurs enfants ? Est-ce que ça fonctionne ? Et quels sont les subterfuges mis en place par les ados pour contourner les interdictions ? Témoignages croisés de parents et ados, entre règles intransigeantes et prudente tolérance.

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Rédaction So Press

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Au premier confinement, Noam, 13 ans à l’époque, reçoit son premier téléphone portable. « Comme je n’avais pas grand-chose à faire, je passais mes journées à installer de nouveaux jeux et à regarder des vidéos sur YouTube », se souvient l’ado de 17 ans. Cathy, sa mère, constate des chiffres qui font froid dans le dos : son fils passait plus de six heures par jour sur son mobile. Un cadeau empoisonné ? « En tant qu’orthophoniste, je suis très sensibilisée à la nocivité de la consommation des écrans à outrance. On a vu très concrètement à quel point c’est addictif. » De quoi alerter les parents qui n’ont eu d’autre choix que de mettre en place des stratégies pour limiter l’utilisation d’écrans. « Au début, on l’a obligé à laisser son téléphone en bas quand il montait dans sa chambre. Mais finalement on n’arrivait pas à surveiller en permanence », souligne Cathy.

Resserrer la vis

Cathy et son mari ont installé une application de contrôle parental qui permet de paramétrer les comptes des enfants. Depuis, les règles sont strictes : deux heures d’écran par jour en semaine, deux heures trente le week-end et le téléphone en off de 21h jusqu’à 7h30. « Si nos enfants veulent télécharger une application, on reçoit un message pour donner notre accord », complète Cathy. « Ces règles m’embêtent un peu. Mes amis ont le droit de jouer sur leur téléphone plus longtemps », confie Joshua, 13 ans, le fils cadet de Cathy. Le petit malin profite de ses séjours chez ses grands-parents pour rattraper le temps perdu. « Là-bas, je joue quatre heures par jour alors qu’à la maison, c’est une heure maximum. » Quant à la Switch, confinée dans le salon, Cathy est intransigeante : une heure de jeu par jour uniquement le mercredi et le week-end, et seulement si les devoirs sont faits. « Ce n’est pas en libre-service », insiste-t-elle. De son côté, Noam, l’aîné, avoue avoir piqué plusieurs fois en cachette un téléphone familial inutilisé pour jouer.

Depuis ses 17 ans, ses parents ont lâché du lest. « On a considéré que j’étais assez grand pour m’autogérer, mais je me suis vite rendu compte que je dépassais largement la limite de temps imposée avant. J’ai demandé à remettre le contrôle parental sur Instagram et j’ai supprimé TikTok, BeReel et tous les jeux », explique-t-il. Depuis, Noam le concède, il passe beaucoup plus de temps à l’extérieur, il a repris le piano et dessine énormément. « J’ai beaucoup plus d’inspiration et de créativité qu’avant. »

Pas de 5G

Dans la famille de Sandra et Régis, les règles sont plus sévères. Si leurs deux enfants ont eu droit à un téléphone dès la quatrième, le smartphone n’est autorisé qu’à partir du lycée. Mais sans 5G, et ce jusqu’au Bac. De sorte qu’ils aient « accès aux réseaux sociaux qu’à la maison ». Eux aussi ont installé un contrôle parental. Limite du temps d’écran ? Une heure trente par jour pour les jeux et les réseaux sociaux. « En revanche, on leur a laissé l’accès illimité aux applis d’informations comme celles du Monde ou de Courrier International », précise la mère. Mais elle le concède : les écrans sont une « lutte permanente ». « Même si on met des limites, il suffit qu’on tourne le dos pour qu’ils piquent notre tablette. Il a fallu mettre des codes sur nos portables, sur l’ordinateur de la maison et sur l’iPad. Mais les enfants réussissaient toujours à les retrouver. Ils se faisaient attraper et on changeait nos codes une nouvelle fois. »

Des subterfuges, le plus jeune fils, Kim, 15 ans, en a plusieurs. « Parfois j’utilise la tablette pour faire mes devoirs dans ma chambre. Mes parents ne captent pas que j’oublie de le ramener dans le salon. J’en profite pour aller sur YouTube le soir avant de me coucher. » Timo, l’aîné de 20 ans, se remémore un épisode : « Une fois, ado, j’ai été privé de téléphone pendant un mois parce que j’en abusais avant de m’endormir. Même si j’étais en colère au début, j’ai compris qu’après ça, je passais encore plus de temps qu’avant à faire d’autres activités. Je dessinais, je faisais beaucoup de skate, je voyais très souvent des potes. » Pour les jeux vidéo, c’est une autre histoire. Si Sandra et Régis ont veillé à ce qu’aucune console ne passe jamais la porte de la chambre des enfants – installée dans le salon, elle n’est autorisée que le week-end –, ils n’ont pas la même vision des choses. Sandra tolère difficilement les jeux vidéo. Régis, en grand amateur, les perçoit comme un loisir. « Je joue avec mes garçons, mais avec des restrictions. Ça me permet de partager quelque chose avec eux tout en contrôlant leur consommation de jeux vidéo. »

« Une manière de l’autonomiser »

Chez Thierry et Sandrine, la télévision est passée à la trappe il y a plus de treize ans. Reste que leur fils, Gabriel, a commencé dès sept ans à consacrer de longs après-midi aux jeux vidéo. « S’il avait terminé ses devoirs, on lui autorisait à jouer avant le dîner. Le week-end, il n’y avait pas vraiment de règles fixes », reconnaît Thierry, qui estime aujourd’hui avoir été probablement « trop permissif ». Au début, le couple s’était juré de ne jamais laisser le PC familial le soir dans la chambre de leur fils. « On a fait l’erreur de le mettre au bout du couloir qui mène à sa chambre. On lui faisait confiance, mais on s’est vite rendu compte qu’il le récupérait pour jouer le soir dans sa chambre », raconte le père.

Résultat ? Il a fallu trouver des cachettes : entre le matelas et le sommier du lit de la chambre d’amis ou entre les disques vinyle. Pourtant, Gabriel avouera plus tard qu’il finissait toujours par réussir sa chasse au trésor. « On a essayé plusieurs techniques, mais sans jamais vraiment réussir à aller jusqu’au bout. Au quotidien, c’est très compliqué et contraignant de surveiller en permanence, cède Sandrine. Parfois, on se réunissait pour lui expliquer les dangers des écrans. Mais souvent, il recommençait. » Au fur et à mesure que Gabriel grandissait, ses parents lui ont laissé plus de libertés. « Aujourd’hui, à 17 ans, on estime qu’il est en âge de se gérer. C’est une manière de l’autonomiser », juge Thierry.

Un pari réussi ? Quoi qu’il en soit, Gabriel l’avoue, il ne joue plus beaucoup aux jeux vidéo. « J’ai moins le temps, j’ai beaucoup de devoirs, je fais plus de sport qu’avant et je vois souvent mes potes. Et puis j’ai pris conscience que geeker, c’était du temps gaspillé et que ça ne m’instruisait pas. » Aujourd’hui, les parents voient des aspects positifs dans le laxisme de leur gestion des écrans. « Si on a été flexibles c’est aussi parce qu’il a toujours eu de bons résultats scolaires, que sa consommation d’écrans ne déteignait pas sur sa santé mentale et qu’il continuait à faire des activités extérieures, du sport ou écouter de la musique et voir ses amis. »

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