Consommation responsable de poissons : les bonnes pratiques du chef Gaël Orieux

La consommation de poissons entraîne une surpêche et un épuisement des ressources. Pour Gaël Orieux, ardent défenseur d’une cuisine responsable, il faut considérer le patrimoine culinaire comme une cueillette en privilégiant des produits en fonction de la saison, de leur taille et de leur abondance.

Temps de lecture : 7 min

à propos du contributeur

Gaël Orieux

Chef du restaurant étoilé Auguste

Paris

1 La consommation de poissons en France

Près de 34,2 kg de produits de pêche et d’aquaculture : c’est ce que consomme chaque Français par an, alors que la moyenne mondiale est de 20,2 kg (1). La France est l’un des deux plus grands marchés européens de produits aquatiques, avec l’Espagne. Une consommation en hausse depuis le début des années 1960, rythmée notamment par le calendrier des fêtes. Le thon ou le saumon sont largement plébiscités pour leur apport en oméga-3 protégeant des maladies cardio-vasculaires.

Ainsi, de nombreux poissons séduisent, mais sont surconsommés. Malgré l’évolution de la réglementation qui a permis d’améliorer la situation de certaines espèces, il reste que pour d’autres, elle devient critique. En cause : la surpêche menée par des chalutiers industriels. Un dispositif dangereux pour la pérennité de la ressource, car il capture massivement de jeunes poissons, qui ne se sont pas encore reproduits. « Dans le monde, près d’un tiers des stocks de poissons commerciaux est à présent pêché à des niveaux biologiquement non viables », rapporte la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) dans son dernier rapport (1).

Des espèces marines en voie de disparition

Avec l’amélioration des techniques et la pêche excessive, l’homme a bouleversé la biodiversité marine et la structure des habitats. Et malgré des alertes répétées, la pêche industrielle continue d’assécher les océans. Faute de changement, les pires scénarii prévoient une disparition de certaines espèces à l’horizon 2035. Or une pêche ne peut être durable que si des mesures sérieuses, comme les quotas, sont appliquées pour préserver les ressources de poisson et donc la biodiversité marine. D’après la FAO (l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), la plupart des stocks de poissons continueront de faire l’objet d’une pêche maximale dans les limites de la durabilité, voire d’une surpêche, pendant au moins les dix prochaines années. L’aquaculture pourrait alors combler l’écart grandissant entre l’offre et la demande croissante.

90,9 millions

de tonnes de poissons ont été pêchées en 2016. (2)

2 « La mer n'est pas un marché en libre-service »

Pour Gaël Orieux, chef étoilé français, les restaurateurs et les poissonniers ont un rôle à jouer auprès du consommateur. Le chef du restaurant Auguste à Paris assume le sien au quotidien en sensibilisant sa clientèle à une consommation écoresponsable.

« Ni la mer ni la terre ne sont un marché en libre-service », rappelle-t-il.

L’ardent défenseur des milieux sous-marins a adopté une démarche écologique pour faire évoluer les habitudes de consommation.

« Il s’agit de ne pas mettre de pression toujours sur la même espèce : par exemple, je ne cuisine pas de bar tous les jours, indique-t-il. J’essaie de me diversifier. Il y a encore dix ans, sur les cartes des restaurants, il y avait toujours la sole, le saumon, le cabillaud, le turbot, le bar. Dans une certaine mesure, c’est nous, restaurateurs, qui sommes en faute parce que l’on a trop mis la pression sur certaines espèces en achetant toujours les mêmes. On a un rôle d’éducateur : souvent les gens achètent les poissons qu’ils ont consommés au restaurant. Comme on servait du cabillaud et du saumon, les clients allaient ensuite acheter ces produits chez leur poissonnier. Maintenant que l’on propose diverses espèces, cela leur permet de découvrir d’autres poissons. »

Le consommateur doit être curieux, poser des questions à son poissonnier, diversifier ses achats pour ne pas mettre de pression sur certaines espèces.

3 Deux ou trois poissons à la carte

Cela implique pour les restaurateurs d’être beaucoup plus flexibles.

« Sur ma carte, je n’ai que deux ou trois poissons. Et en fonction des saisons, je rajoute des poissons en suggestion. Cela suffit pour les clients. Aujourd’hui, ils préfèrent quand on est sur une pêche du jour. Sur ma carte, il peut y avoir à la fois du merlan, du chinchard, de la cardine, des poissons méconnus, mais aussi du saumon, du turbot, etc. », poursuit Gaël Orieux.

Autre geste pour la mer : le chef ne cuisine qu’en fonction de la saison et de l’abondance.

« Je ne boycotte rien. Le principal pour moi, c’est de savoir d’où provient le poisson, qu’il a été pêché à la bonne taille et dans une zone abondante.»

4 Une des solutions face à la surpêche : consommer de saison !

Les ONG de protection de la nature publient des listes des espèces menacées ou celles à consommer avec modération. À chaque saison, le programme européen M. Goodfish (3) publie sur son site une liste de poissons et de fruits de mer à privilégier en s’appuyant sur l’état de la ressource, la taille, le statut de l’espèce, les saisons de recommandation situées en dehors du ou des pics de reproduction.

« Quand j’ai ouvert mon restaurant en 2005, on commençait à entendre dire qu’il y avait moins d’anchois, moins de thon. On nous disait toujours ce qu’il manquait, ce qu’il ne fallait pas cuisiner, mais jamais ce qu’il y avait d’abondant. Aussi, je me suis intéressé à la démarche inverse en considérant la pêche comme de la cueillette », explique Gaël Orieux.

Depuis, le chef est l’un des parrains du projet M. Goodfish.

« Il permet notamment de connaître sur une période de trois mois, la cartographie des espèces les plus abondantes sur les côtes italiennes, françaises et espagnoles. Cela nous permet de mieux cibler nos achats, selon les espèces et la taille, sur une zone donnée. Les informations sont régulièrement mises à jour, notamment avec les changements climatiques et les saisons qui arrivent un peu en avance ou en retard. »

Par ailleurs, l’étiquetage des poissons permet de guider l’achat éclairé.

Il y a des saisons de pêche : par exemple, le homard, considéré comme un produit festif, ne doit pas être consommé sur les périodes de novembre, décembre, mais quand la météo se réchauffe.

L'Essentiel de l'article
  • Les Français sont de gros consommateurs de poissons.
  • Pour éviter l’extinction de certaines espèces : diversifiez vos achats et mangez de saison.
  • Des écolabels vous permettent de consommer responsable.

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