Les « bébé-signes », nouveau langage des parents ?

Faim, fatigue, couche sale, douleurs… Les parents le savent bien : comprendre les besoins de son enfant n’est pas toujours simple. Quoi de plus angoissant que de tenter de déchiffrer les pleurs de son bébé ? Afin de mieux communiquer, de nombreux parents ont aujourd’hui recours aux signes. Une méthode américaine réputée pour diminuer frustrations, peurs, stress et colère. Mais comment est-ce que ça marche ?

Temps de lecture : 5 min

à propos du contributeur

So press
Rédaction So Press
Avec SoPress, la Macif a pour ambition de raconter le quotidien sans filtre.

En promenade dans sa poussette, le petit Hugo âgé de 14 mois a les yeux grands ouverts. À cet âge, tout est découverte, tout est émerveillement. Soudain, le jeune garçon pousse un petit cri, lève le bras les yeux rivés vers le ciel et tape son index contre son pouce à plusieurs reprises. « Il nous dit qu’il a vu un oiseau, explique son père. C’est sa passion en ce moment. » Comme de nombreux parents aujourd’hui, Thibaut et Suzanne ont décidé lorsque leur fils a atteint l’âge de 6 mois de se servir de la langue des signes française afin de mieux communiquer avec lui. Si à première vue cela peut sembler bizarre, cette méthode s’est révélée être un outil précieux permettant aux jeunes enfants de se faire comprendre des adultes, avant même de savoir parler.

Des bébés plus calmes et moins frustrés

Tout commence aux États-Unis, dans les années 1980. « En France, il faudra attendre le début des années 2000 pour que cette pratique arrive. Vers 2006, plus exactement », rappelle Isabelle Cottenceau, fondatrice de l’organisme Éveil et Signes et autrice de plusieurs livres sur le sujet. Tout serait parti d’une observation : « Joseph Garcia, interprète en langue des signes américaine, a remarqué que les bébés de ses amis sourds n’avaient pas du tout le même comportement et commençaient à communiquer plus tôt que les autres. Ils pleuraient moins, ils étaient également plus autonomes. Vers l’âge de 14-15 mois, ils les sentaient plus calmes, plus paisibles, moins frustrés. Il s’est rendu compte que c’était lié à leur accès facilité à la communication. Ils arrivaient à exprimer leurs besoins plus facilement grâce aux signes. »

L’interprète décide d’approfondir ses recherches, en fait le sujet de sa thèse, avant de mettre au point la méthode « Sign with your baby » (communiquez en signes avec votre bébé) et de publier un livre, qui devient vite un best-seller. Depuis, la littérature pédiatrique ne manque pas de vanter les mérites de cette pratique, qui permettrait aux bébés de parler plus tôt, d’avoir un vocabulaire plus riche et qui augmenterait même leur quotient intellectuel. Il n’en faut pas plus pour convaincre les parents américains : en 2016, l’entreprise de formation Baby Sign Language indique qu’ils sont un tiers à l’utiliser.

Expression des besoins

Si Hugo ne parle pas encore, ses parents confirment les bénéfices des signes : très vite, le bambin est capable d’exprimer des besoins primaires, plutôt que de seulement pleurer. « Il va pouvoir nous dire quand il veut manger, quand il faut changer la couche, quand il a mal quelque part… Je pense qu’il aurait été plus anxieux ou frustré de ne pas pouvoir mieux communiquer avec nous, comme on le fait actuellement », confirme son père.

Pour Isabelle Cottenceau, ces « bébé-signes » incitent aussi les parents à se concentrer sur leur enfant. « Il y a trop de situations où on parle à un enfant tout en faisant autre chose en même temps, lance-t-elle. Avec les signes, on ne peut pas tricher. On est obligé de se mettre face à l’enfant, de se mettre à sa hauteur, de parler doucement, lentement, sans se précipiter et en utilisant les mots justes. Ce comportement crée forcément un lien de confiance, une complicité. »

Un signe pour une idée

Attention, signer avec son bébé ne veut pas dire lui apprendre la langue des signes. C’est pourquoi Isabelle Cottenceau parle de « bébé-signes » ou de « signes associés à la parole ». Elle précise : « Je ne vais utiliser que du vocabulaire simple, autrement dit des signes isolés. Je ne vais pas utiliser la syntaxe ou la grammaire de la langue des signes française (LSF), parce qu’elle est complexe et elle a ses propres spécificités. Là, nous avons affaire à des enfants entendants. » L’autrice recommande donc de signer au moment où la phrase est prononcée. « Par exemple, si je dis “je vais te donner ton doudou”, je vais signer “doudou”. Je donne à l’enfant un repère visuel, une image et si un jour, il a besoin à son tour de son doudou, il sait que ce signe le désigne. Je saurai ainsi de quoi il parle. »

Mais comment expliquer que les bébés parviennent à signer avant même de savoir parler ? C’est simple : l’appareil phonatoire n’est mature qu’à partir de 13 mois. Avant cela, l’enfant est en incapacité totale de parler. À partir de 13 mois, l’apprentissage du langage s’opère progressivement mais reste long et fastidieux. « Alors qu’il est très vite et très tôt dans une gestuelle, reprend Isabelle Cottenceau. Il va très vite savoir dire au revoir de la main, applaudir, faire un petit chut ou encore envoyer un baiser. »

Pour ce qui est du nombre de signes, chaque enfant est différent. Certains vont très peu signer, voire pas du tout, là où d’autres vont réaliser vingt signes et en comprendre beaucoup plus. « Il n’y a pas de règles universelles », confirme l’auteure. « Les signes que Hugo exécute rapidement représentent ce dont il est fan : en ce moment, ce sont les oiseaux et les chiens, sourit son père. Dès qu’il y a un intérêt, l’apprentissage et la mémoire sont plus efficaces. » Et ça, ça vaut pour n’importe quel enfant.

Conseil lecture :

Tout savoir sur les signes avec bébé d’Isabelle Cottenceau (Hachette, 2021).

Nous avons aussi séléctionné pour vous

Thématiques associées : Enfants

Article suivant