Douleurs des femmes : l’éveil du corps médical

Camille Le Ray est professeur de gynécologie obstétrique à la maternité de Port-Royal à Paris, spécialisée en suivi de grossesse et accouchements. En parallèle, elle enseigne la chirurgie obstétrique axée sur le savoir-être, notamment la prise en compte des douleurs médicales des femmes. Interview.

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So press
Rédaction SoPress

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Concrètement, quelles douleurs peuvent ressentir les femmes lors d’un examen gynécologique ?

Camille Le Ray : Lors de l’examen gynécologique, le soignant est amené à réaliser des procédés intrusifs potentiellement douloureux pour les patientes (introduction d’une sonde pour une échographie endo pelvienne, un spéculum pour les frottis…). Pour les patientes qui souffrent déjà de douleurs chroniques comme l’endométriose, l’examen ou la palpation mammaire peuvent exacerber la douleur déjà présente, qu’elle soit abdominale, vaginale ou vulvaire. Ce qui est compliqué pour nous, c’est qu’on nous apprend à appuyer là où ça fait mal, au moins pour comprendre l’origine de la douleur. Mais la volonté de se former à le faire de la meilleure manière possible dépend entièrement de nous. Par exemple, c’est à nous de prendre les précautions quant à la meilleure position à adopter par la patiente (elle peut se sentir mieux en se plaçant sur le côté par exemple), mais aussi la lubrification du matériel…

 

Quelles autres bonnes pratiques sont appréciées des patientes ?

C. L R. : Dans un premier temps, informer la patiente de ce qu’on est en train de lui faire, lui demander son consentement, vérifier si elle est prête est absolument essentiel. Dans mes consultations, quand je vois que la patiente a beaucoup d’appréhension, je lui propose d’introduire le spéculum elle-même. Ça fonctionne très bien. De même dans le cas d’une échographie endovaginale, où une grande sonde assez longue peut être introduite directement par la patiente. Par ailleurs, il est bon de savoir qu’il y a un certain nombre de situations où il n’est pas nécessaire de faire un examen vaginal.

Vous avez fait de la grossesse et de l’accouchement votre spécialité. Peut-on vraiment éviter la douleur dans ces moments-là ?

C. L R. : C’est indéniable, un accouchement sera douloureux, peu importe la qualité de l’équipe médicale qui accompagne la future mère. Mais les douleurs liées à l’expulsion de l’enfant peuvent aussi être liées aux gestes employés par les soignants. Par exemple, l’épisiotomie n’est pas toujours obligatoire, et elle requiert le consentement de la femme. En France, on est les champions du monde de la péridurale (80 % des femmes la pratiquent), mais elle ne garantit pas la disparition de la douleur, qui doit à tout prix être évaluée par la sage-femme tout au long du travail. Sa présence humaine, sa bienveillance et son support permettent vraiment d’améliorer le vécu de la future maman.

Beaucoup de femmes plaident pour la reconnaissance de violences verbales, qui peuvent être tout aussi marquantes que les douleurs physiques lors d’un examen.

C. L R. : Dans les compétences d’un gynécologue, il y a bien entendu le savoir-faire, mais on oublie peut-être de rappeler l’importance du savoir-être. Ce qui revient beaucoup dans les témoignages des femmes, c’est la violence verbale qu’elles subissent à plusieurs moments de leur vie (accouchement, bilan fertilité, IVG, PMA…). La culpabilisation de l’âge des patientes qui souhaitent devenir mères par exemple est une trop mauvaise habitude des soignants. Si c’est une réalité médicale, il faut réussir à expliquer aux patientes les faits sans les accabler. Sans tout édulcorer, il nous incombe de choisir les bons mots et d’employer le bon ton. C’est probablement la même chose pour les hommes : quand ils vont chez l’urologue pour un toucher rectal, certaines questions ou certains gestes peuvent être déplacés. Un certain nombre d’hommes n’y vont pas par appréhension, ce qui enraye la prévention.

De plus en plus de femmes se tournent vers les sages-femmes, qui bénéficient d’une meilleure réputation que les gynécologues… Qu’en pensez-vous ?

C. L R. : La profession de sage-femme a moins été éclaboussée par les scandales des violences obstétricales. Par ailleurs, elles font très bien leur travail, il ne doit pas y avoir de conflit entre nos professions, car il y a du travail pour tout le monde. Au contraire, on travaille ensemble pour améliorer la prise en charge des femmes. J’encadre en ce moment une thèse en santé publique écrite par une sage-femme sur les soins non appropriés durant l’accouchement. En réalité, il n’y a pas de frontières. Ceux qui veulent nous monter les uns contre les autres ont tout faux !

Avez-vous la sensation que les choses bougent dans le corps médical ?

C. L R. : Les scandales obstétricaux ont, il faut le dire, été un mal pour un bien. La libération de la parole des femmes a permis de faire avancer les choses. Face à ces violences, il y a deux façons de réagir : soit on tombe dans le corporatisme, et on n’avance pas, soit on reconnaît les mauvais comportements, et on envisage d’évaluer dans nos pratiques. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a établi une liste de recommandations qui posent les questions suivantes : dans quelles situations les examens pelviens sont-ils strictement nécessaires ? Comment faire pour que ces examens pelviens soient le moins douloureux ? Quelles positions proposer aux patientes ? Comment utiliser des lubrifiants ? Les choses bougent. Sûrement pas aussi vite que ce que voudraient les femmes, mais la pratique évolue. C’est la raison pour laquelle je me suis centrée sur la formation auprès des jeunes médecins, car l’espoir repose sur eux.

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