Vocations d’avenir : Ahmet, 24 ans, réduit les inégalités via l’art oratoire

Parce que le futur appartient à ceux qui s’en emparent tôt, la parole est aux jeunes. Océane, Ahmet, Julie et Thibault cherchent tous à donner du sens à leur métier et à imposer leurs propres codes dans le monde du travail. Second épisode avec Ahmet Akyurek, orateur pour le bien commun.

Temps de lecture : 5 min

à propos du contributeur

Usbek & Rica

Usbek & Rica et la Macif ont rencontré 4 jeunes pour parler de leur vocation pro.

À 24 ans, Ahmet Akyurek a fait de l’art du débat son combat quotidien. Ce jeune diplômé de Sciences Po Paris a intégré l’école cinq ans plus tôt via la Convention d’éducation prioritaire (CEP), une voie réservée aux bacheliers des lycées relevant de l'Education Prioritaire). À l’époque, issu du lycée Jean Renoir à Bondy, Ahmet se plie à l’exercice d’entrée établi par la convention : le décryptage d’une controverse d’actualité. « C’est un exercice qui vise à juger notre prise de hauteur sur un débat public et médiatique, et notre capacité à mobiliser notre culture critique pour remettre en question ce qu’on entend ».

Il choisira la pénalisation des clients de prostituées durant la présidence de François Hollande. Quand il soutient son sujet à l'oral, Ahmet est à son aise. « J’étais content d’être là, j’aime débattre, être challengé sur mes positions, trouver des failles dans les raisonnements de chacun. C’est un jeu pour moi, ça m’amuse ». Une aisance qu’il rattache à un climat familial propice - une position de petit frère valorisé par quatre grandes sœurs - et à une adolescence en banlieue, où la culture du débat public est forte.

L'art oratoire pour se faire une place

À Sciences Po, la semaine de pré-rentrée est justement dédiée à une initiation à l’art oratoire. « Ça allume une ampoule en moi : c’est la première fois qu’on m’explique que la forme d’une prise de parole importe autant que le fond ». Son professeur - par ailleurs président de la Fédération Francophone de Débat - lui présente les clubs de joute verbale qui se tiennent en soirée dans différents amphis d’université en Île-de-France. « J’y suis allé presque tous les soirs : lundi à Sciences Po, mardi à Nanterre, jeudi à la Sorbonne… je faisais le tour de Paris pour y participer ».

À force de progresser dans l’exercice, Ahmet et son camarade Greazi Abira décident de démocratiser l’art oratoire. « Le but du jeu, c’était de ne plus paraître “exceptionnel” dans notre entourage et de partager le pouvoir de l’art oratoire. C’est un outil capable d’améliorer sa moyenne à l’école, de créer des liens, de se faire respecter, de bouleverser une carrière, bref, de changer la trajectoire d’une vie entière ». Rapidement, Ahmet et Greazi créent l’association Graine d’Orateur 93 qui cartonne instantanément. « Dès le premier jour, le bouche-à-oreille avait fait son effet, et la salle de 60 places était pleine ; on a compris que l’on comblait un manque qui n’avait jamais été satisfait, alors on a décidé de mettre les bouchées doubles ».

« La parole est une source de pouvoir qui permet aux individus de dialoguer, de coopérer, et de surmonter des défis communs »

Ahmet Akyurek

Engagement social et expérience immersive

Aujourd’hui, Ahmet travaille dur pour étendre l’association à l’échelle nationale. Mais c’est loin d’être son seul projet : depuis, il a découvert le monde du travail et ses problèmes spécifiques. Pourtant allergique au monde de la finance, il a décidé, « pour l’expérience sociale », de faire son stage à la direction financière d’une banque. « À travers mes stages et mes jobs, j’ai réalisé que la maîtrise de la parole est synonyme de pouvoir, qui plus est dans un monde comme l’entreprise où le mérite ne paie pas toujours ». Ni une ni deux, il crée un organisme de formation intitulé Krateo - du grec κρατέω : tenir fermement, gouverner, devenir maître. « Là où Graine d’Orateur adopte une approche citoyenne de la parole comme outil démocratique, Krateo défend une position plus professionnelle : comment réussir un entretien, gérer une réunion, accompagner la progression des membres de son équipe… ».

Pour son projet, Ahmet veut tirer le meilleur des technologies numériques du moment. « Notre but est de devenir une Edtech (startup qui fait utilise les technologies innovantes pour améliorer le secteur de l’éducation, ndlr) qui redéfinisse en profondeur la transmission de compétences grâce aux outils d’aujourd’hui ». Pas question d’enseigner l’art oratoire dans un mooc : pour son projet, Ahmet vise plutôt les technologies immersives et rêve déjà de gamification, d’analyse comportementale, de traitement du langage, et de réalité virtuelle. « Je travaille sur la création une expérience immersive réplicable à l’échelle, un outil de formation qui soit vraiment conçu pour un usage numérique». Pour autant, pas question de formater les discours : « La parole est très liée aux enjeux de notre siècle : la sauvegarde de l’environnement, et la défense de la démocratie ».

Article suivant