Comment vivre avec un handicap ?

Qu’il soit visible ou non, un handicap ajoute malheureusement souvent des difficultés au quotidien. Et lorsqu’il survient après un accident, s’y habituer, voire le surmonter, est un exercice qui peut sembler impossible. Rencontre avec Axel, ancien paraplégique, et Julie, grande brûlée.

Temps de lecture : 6 min

à propos du contributeur

Axel Alletru et Douze Février

Axel Alletru, ancien paraplégique, et Douze Février, grande brûlée, partagent leurs expériences.

Comment vivre avec un handicap ? Réponse avec Axel Alletru.

Malgré mon jeune âge, j’ai eu plusieurs vies. Après un début sportif en BMX où j’ai été champion d’Europe à 6 ans, je me suis lancé dans le motocross où j’ai franchi les échelons pour devenir champion du monde junior avant 20 ans. Jusqu’à ce fameux jour, lors des championnats du monde en 2010 en Lettonie où je suis devenu paraplégique suite à une mauvaise chute. Aujourd’hui, contre toute attente et grâce à une rééducation physique et mentale acharnée, je remarche. Je me suis reconverti dans la natation handisport et suis même 12 fois champion de France, champion d’Europe et recordman sur plusieurs distances.

Comment se détacher du passé et du traumatisme ?

Le passé peut rassurer. On se raccroche à une situation agréable, on peut être nostalgique. On peut se dire « c’était mieux avant l’accident ». Seulement avant… C’était avant ! La machine à remonter le temps n’a toujours pas été inventée, donc se cacher dans des souvenirs ou rester bloqué dans le passé n’aide pas, bien au contraire. Notre subconscient et notre cerveau ont alors tendance à faire resurgir des émotions de tristesse, parfois d’échec ou de manque, ce qui influence de façon négative notre capacité à rebondir, à réfléchir positivement et à voir plus loin.

Afin de pouvoir avancer, voici 2 étapes majeures selon moi :

- Accepter sa situation : c'est comprendre les choses comme elles sont réellement et accepter de devoir avancer avec ces nouvelles données

- Pardonner et se pardonner : ici on parle à la fois du pardon vis-à-vis de soi-même mais aussi vis-à-vis des autres. Juste après mon accident, je ne me suis pas dit « j’aurais dû lâcher l’accélérateur... » ou « c’est à cause du mécano ou les services d’urgence en Lettonie » ; j’étais déjà dans l’optique que ce qui est fait est fait. Je me suis donc concentré sur les choses que je pouvais encore changer, à savoir ma rééducation.

Comment gérer son état mental face au handicap ?

Apprendre à gérer ses émotions

Si votre mental est enseveli sous une montagne de stress et de pensées négatives, il va vous être beaucoup plus difficile d’avancer. Maîtriser ses émotions signifie ne pas s’emporter pour des choses futiles. Il est préférable de canaliser les émotions négatives et éviter de s’énerver en abordant un discours positif et constructif.

Je me souviens qu’après mon accident, mes parents m’avaient caché la radio de ma colonne vertébrale, car mon père, me connaissant, savait que voir cette radio risquerait de me mettre dans un état émotionnel mitigé et négatif. Il ne me l’a montré qu’à ma sortie du centre de rééducation. En y repensant, s’il me l’avait montré juste avant ma rééducation, j’aurais surement eu beaucoup plus de mal à me concentrer sur mon nouvel objectif.

Se projeter grâce à la visualisation

Une bonne partie de ma rééducation a été mentale et passait par la visualisation. Cette technique consiste à se représenter une situation ou un concept.

Chaque jour, plusieurs fois par jour, je m’imaginais en train de remarcher et j’essayais de ressentir toutes les sensations liées à cette image mentale.

Axel Alletru

C’est un exercice qui demande beaucoup de patience, de concentration et une régularité exemplaire. Il ne faut pas s’attendre à voir des résultats dès la première visualisation. Mais à force de répéter cet exercice plusieurs fois par jour même durant les moments de somnolence, durant des mois, j’ai pu habituer mon subconscient à ce souhait fort de remarcher. Et lorsque j’ai entamé la rééducation physique, mon mental était déjà prêt, j’ai eu plus de facilité à récupérer et par conséquent à remarcher.

Soigner ses phases de sommeil et de repos

À force de trop en demander, notre corps et notre mental risquent d'être surmenés et donc épuisés ! C’est durant notre sommeil que notre organisme se renouvelle, il est capable de produire de nouvelles cellules venant remplacer les cellules mortes. En plus de cela, c’est à ce moment-là que le cerveau trie, intègre et assimile les différentes informations emmagasinées tout au long de la journée. En manque de sommeil, vous vous apercevez souvent que vous avez du mal à exécuter les tâches qui sont habituellement faciles. C’est pourquoi il faut le laisser se reposer assez régulièrement entre deux activités pour qu’il puisse recharger ses batteries.

Comment se réapproprier son corps après un accident ?

J’ai la chance d’avoir un ami d’enfance devenu orthoprothésiste. Ensemble, nous avons créé une attelle qui me permet aujourd’hui de tenir debout, de marcher, de faire du vélo… Maxime était venu avec son père au centre de rééducation pour prendre les mesures et la forme de mes pieds. Après plusieurs essais, nous avons réussi à développer une attelle qui me permet de tenir mes chevilles à 90°, et donc de pallier au manque de fonctionnement de mes muscles. Des années après ses premières attelles expérimentales, nous avons pu développer différente exemplaires qui s’adaptent à la nature du terrain, à la température ambiante, au style vestimentaire, etc.

Lire aussi : Nouvelles technologies et handicap, de nouveaux espoirs

Intégrer le sport dans sa routine quotidienne L’un des moyens qui m’a aidé à me reconstruire après mon accident était le sport. Toute ma vie, j’ai été un sportif de haut niveau. Mais après mon accident, je ne savais pas si je devais reprendre les études, trouver un travail ou replonger dans un univers que je connaissais déjà : le sport.

Heureusement, le programme de rééducation incluait des séances de natation. Je me sentais alors très bien dans l’eau, je retrouvais quelques sensations du passé et surtout je me sentais à nouveau valide à nouveau.

Après ma rééducation, j’ai décidé de me lancer un défi fou : aller aux jeux paralympiques de RIO 2016.

Il fallait redonner un sens à ma vie, pour me motiver à me lever tous les matins et à être enthousiaste.

Le sport m’a alors permis de me reconstruire socialement, de rencontrer de nouvelles personnes et de créer de nouvelles opportunités. Qu’on soit sportif de haut niveau ou sportif du dimanche, c’est très important d’intégrer le sport dans sa routine quotidienne, cela permet de fortifier son physique et son mental.

Aujourd’hui, j’essaie également de me réinventer à travers les réseaux sociaux en partageant mon histoire et en essayant d’inspirer le maximum de personnes.

Article suivant