Violences intrafamiliales : quels signaux repérer pour venir en aide aux victimes ?

Les violences intrafamiliales ont longtemps été reléguées à la sphère privée, laissant l’entourage des victimes bien impuissant. Pourtant, il est tout à fait possible d’apprendre à repérer les premiers signes de violence, de mieux comprendre les mécanismes associés et ainsi, orienter au mieux les victimes.

Temps de lecture : 6 min

à propos du contributeur

Léa Dang

Journaliste à Socialter, le média des transitions et des alternatives.

En 2020, les violences intrafamiliales ont connu une hausse importante suite aux mesures de confinement mises en place par le gouvernement. Le dernier rapport de la Fédération Nationale Solidarité Femmes montre qu’en 2020, près de 100 000 appels ont été pris en charge – ce qui représente une hausse de 22 % par rapport à 2019. Le rapport de la Fondation des femmes évoque quant à lui une hausse de 21 % des féminicides depuis 2019 et une recrudescence générale des violences faites aux femmes depuis le mouvement #Metoo et la libération de la parole qui s’en est suivi. Les chiffres des violences envers les enfants ont eux aussi connu une forte hausse en 2020 : les violences auraient ainsi augmenté de plus de 56 % sur les enfants de moins de 5 ans1.

Des violences de tout type

« Si les chiffres semblent se stabiliser suite à la levée des mesures de confinement, ils n’ont pas pour autant baissé de manière significative », souligne Françoise Brie, directrice de la Fédération Nationale Solidarité Femmes qui a pour objectif de venir en aide aux femmes victimes de toute sorte de violence. « Dans la réalité, l’immense majorité des femmes qui viennent rencontrer l’association sont victimes de violence conjugales. » Parmi elles, il faut bien distinguer les violences psychologiques (rabaissement, critiques…), verbales (insultes, cris…), physiques (les plus repérables), sexuelles (du harcèlement au viol conjugal) aux violences économiques, patrimoniales et administratives (confiscation de documents, interdiction de travailler, contrôle des dépenses, par exemple). « Les violences que nous rencontrons le plus fréquemment au sein de l’association sont les violences psychologiques, partage Françoise Brie. Viennent ensuite les violences physiques, mais il faut savoir qu’il y a toujours différentes formes de violences associées. »

Être attentif aux premiers signaux de violence

Pas évident pour les proches qui se situent hors du foyer de repérer la violence qui s’y cache. Pourtant, il y a des indices dont l’entourage familial et amical peut être témoin. Pour Françoise Brie : « Le contrôle exercé par l’un des partenaires sur l’autre est le premier signe à repérer. Cela peut se traduire par un conjoint qui répond à la place de sa femme, ne lui laisse pas la parole, ou bien contrôle ses sorties, par exemple. » Les proches peuvent également être dans une posture plus active, en posant des questions.

« Si la personne réagit avec agressivité aux suspicions, par exemple, ou nie de manière exagérée, cela peut être un signe supplémentaire »

Françoise Brie, directrice de la Fédération Nationale Solidarité Femmes

Les signes peuvent être très ténus, selon la situation et la personnalité. Dans un contexte de violences conjugales déjà perçues ou connues, il peut également y avoir des facteurs aggravants, et dans ce cas, les signaux sont à repérer chez l’agresseur : « Quand un homme vient de perdre son travail, un parent, ou bien son statut social, cela peut venir aggraver la situation des victimes. » Et cela ne concerne pas seulement les femmes : dans un contexte de violences conjugales, les enfants sont victimes de violences physiques dans 40 % des cas. « Dire que les enfants ne sont pas concernés est faux : contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce sont les premiers impactés. » La séparation n’est pas non plus synonyme d’un arrêt des violences : « Une fois que la violence ne peut plus s’adresser directement sur l’objet, c’est l’enfant qui devient le vecteur de la violence. »

Lire aussi : Violences conjugales : comment repérer et aider les femmes victimes ?

Proche en danger : comment réagir ?

« Le premier conseil que nous donnons, c’est avoir une qualité d’écoute : ne pas couper la parole, ne pas juger, et laisser la personne dérouler son récit, partage Louise Neuville, chargée de communication pour l’association En Avant Toutes qui lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ensuite, valoriser la personne, car dans un contexte de violence et d’emprise, les victimes ont souvent une faible estime d’elle-même. Les valoriser, c’est donc leur rappeler qu’elles ont en elles des ressources pour s’en sortir », poursuit-elle.

« Il faut également être patient : quitter un homme violent, cela peut prendre des mois, voire des années selon les personnes. »

Anne Joseleau, la directrice de Solidarité Femmes 21 à Dijon

« Il faut toujours, dans ce cas, redonner le moteur de l’action à la personne et ne pas la forcer ou décider d’entamer des démarches à sa place, ce qui pourrait être contre-productif », rappelle également Anne Joseleau, la directrice de Solidarité Femmes 21 à Dijon.

 

3919

Si vous êtes victime de violences ou proches d’une victime, appelez ce numéro ouvert 7j/7 et 24h/24 depuis septembre 2021. En cas d’urgence, privilégiez le 115 ou le 17.

Enfin, l’entourage comme les professionnels peuvent contacter le 3919 – un numéro d’écoute géré par la Fédération Solidarité Femmes, à la fois pour les femmes victimes de violence, mais aussi pour l’entourage et les professionnels concernés, ou bien le tchat sur le site commentonsaime.fr, mis en place par l’association En Avant Toutes pour atteindre les victimes les plus jeunes : « Aujourd’hui, il y a une femme victime de violence sur 10, mais lorsqu’on descend la tranche d’âge au-dessous de 24 ans, c’est une femme sur 7, et elles ont moins tendance à appeler pour témoigner », explique Louise Neuville. Rappelons toutefois que, ni le 3919 ni le tchat mis en place par l’association En Avant Toutes ne sont valables en cas d’urgence. Ils ne remplacent pas le numéro de la police, le 17 ou le 115 si la victime a besoin d’être logée rapidement.

Certaines professions sont également plus à même d’agir en cas de suspicions de violence, et dans ce cas, il est possible de se former : à Dijon, Solidarité Femmes organisent des formations pluriprofessionnelles avec des médecins, des pompiers, des policiers, des sage-femmes ou des infirmiers pour « tisser un réseau de partenaires local et mieux comprendre les limites d’intervention de chaque métier et d’éviter, ainsi, à ces professions de se renvoyer la balle », selon la directrice Anne Joseleau. Dans une visée aussi préventive, des associations prennent en charge les auteurs de violences, comme la fédération FNACAV qui regroupe toutes les associations spécialisées pour le suivi des auteurs de violences, et qui a ouvert, en 2003, un numéro national dédié à la prise en charge : 08 019 019 11.

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