Vacances et handicap moteur : « Il y a encore des progrès à faire pour l’accessibilité. »

Vacances et mobilité réduite : deux termes que tout oppose ? Une chose est sûre, les témoignages de voyageurs handicapés dont les congés virent au cauchemar sont nombreux. Heureusement, des initiatives existent.

Temps de lecture : 7 min

à propos du contributeur

So press
Rédaction SoPress

Avec SoPress, la Macif a pour ambition de raconter le quotidien sans filtre.

Janvier 2023. Alex Ribeiro décide, accompagné de son fils de 6 ans, de se rendre à Bordeaux, en provenance de Montpon-Ménestérol, en Dordogne. Jusque-là, pas de quoi en faire une histoire. Seulement voilà, ce jeune père handicapé physique depuis la naissance se déplace en fauteuil roulant. Il raconte son périple, un voyage semé d’embûches.

Premier obstacle : le décalage entre le quai et la voiture du TER. Alex n’étant pas du genre à se laisser intimider par la première difficulté, il parvient à monter à bord, armé d’une petite rampe et aidé de la mère de son fils. Trente minutes passent et la rame s’arrête à Libourne. « Et là, on nous annonce le terminus du train ! Mais aucun voyageur ne s’est levé parce que ce n’était pas prévu », détaille-t-il dans un long message Facebook.

3,5 millions

de personnes à mobilité réduite dont 650 000 personnes en fauteuil roulant en France.(1)

La SNCF propose alors aux voyageurs des cars de substitution, pour rejoindre la gare de Saint-Jean de Bordeaux. « Je découvre un vieux car, poursuit-il, à bord duquel je ne peux pas accéder en fauteuil. » Incapables de lui trouver un taxi, les agents ferroviaires font une proposition, que le trentenaire n’est pas prêt d’oublier : reprendre le train en sens inverse et attendre cinquante minutes sur le quai, avec son fils, dans le froid.

Sans surprise, Alex a préféré rentrer et mettre son fils au chaud. « J’ai eu l’impression d’être un colis égaré et non conforme », déplore-t-il auprès de France 3, insistant sur cette évidence : « Il y a encore des progrès à faire pour l’accessibilité. »

La SNCF n’est pas la seule concernée, mais bien l’ensemble des moyens de transport. À Paris par exemple, une seule ligne de métro peut être empruntée par les personnes en fauteuil roulant : la ligne 14, la plus récente.

Une situation en voie d’amélioration puisque la RATP a promis 21 nouvelles stations totalement accessibles aux PMR, d’ici 2024.

La roue tourne

Triste constat : en 2023, se déplacer sur de longues distances en fauteuil roulant reste encore et toujours un parcours du combattant. Résultat, trop souvent, les vacances des personnes à mobilité réduite (PMR) relèvent du casse-tête et virent même au cauchemar.

Andrea Mocellin en sait quelque chose. Ce designer italien est le créateur du Revolve Air : une sorte de fauteuil roulant du futur aux roues pliables. Permettant d’économiser jusqu’à 60 % d’espace, le fauteuil fait à peine la taille d’un bagage cabine et peut donc se glisser dans les compartiments de rangements des avions ou sous le siège du passager.

« Le fauteuil roulant n’a jamais changé, que ce soit dans sa forme ou sa fonction. Alors que les systèmes de transport n’ont cessé d’évoluer au fil du temps, regrette l’inventeur. L’idée était de repartir de zéro et de réinventer le fauteuil roulant, en commençant par les roues. » Voyageur expérimenté, l’Italien liste rapidement de nombreuses problématiques pour les PMR adeptes de l’avion : « Les compagnies aériennes endommagent trop souvent les fauteuils roulants, alors qu’ils représentent un investissement très important, ajoute Andrea Mocellin. Logiquement, lorsque vous voyagez de Paris à Munich avec un vol d’une heure, mais que vous retrouvez votre fauteuil endommagé ou les roues cassées, ça rend fou. »

Pour une personne à mobilité réduite, le fauteuil roulant est comme une extension de son corps pour laquelle elle aura dépensé entre 10 000 et 20 000 euros.

Andrea Mocellin, créateur du Revolve Air

Le Revolve Air d'Andrea a un gros avantage. Avec lui, terminé les enregistrements de fauteuil. Plus besoin d’une aide pour embarquer ou descendre de l’avion. Fini les longues attentes à la livraison des bagages ou la peur du fauteuil égaré.

« Notre objectif est de donner une toute nouvelle indépendance aux PMR, qu’elles soient des passagers comme les autres. » Si le fauteuil n’est pas encore disponible et si aucune date de mise en vente n’a été communiquée pour le moment, on sait qu’il faudra compter 1900 euros pour la paire de roues, 5000 pour l’ensemble, l’inventeur italien pense néanmoins déjà à la suite.

Objectifs : fabriquer assez de fauteuils pour pouvoir proposer des espaces de location dans les aéroports du monde entier. Et pourquoi pas une application permettant aux voyageurs de réserver un fauteuil roulant depuis leur smartphone ? « Nous sommes actuellement en discussion avec le comité olympique et paralympique de Paris 2024, pour proposer cette nouvelle technologie en la plaçant à côté des stades par exemple, confie Andrea Mocellin. On sait que lors de ces événements, il faut marcher - dans le cas présent “rouler” - des kilomètres pour se rendre d’un point à un autre. » Affaire à suivre, donc.

Locations saisonnières pour les PMR

Quand ce ne sont pas les transports, c’est le logement. Tout le monde le sait, les locations saisonnières ont également leur lot de mauvaises surprises : un wifi défectueux, une vue sur mer inexistante, une climatisation datant des années 1980… Des désagréments qui finalement paraissent bien légers lorsqu’une personne à mobilité réduite raconte qu’il n’est pas toujours facile de s’assurer si le logement loué pour les vacances est tout simplement accessible en fauteuil roulant…

Karima Kerkoub en a fait l’expérience. Il y a deux ans, cette mère de famille de cinq enfants du quartier Boutonnet à Montpellier souhaite inviter sa famille de Grenoble. Dont un de ses cousins qui est en fauteuil roulant. « Malheureusement, mon logement était inadapté, car à l’étage et sans ascenseur, écrit-elle. J’ai donc commencé à chercher un logement adapté sur les plateformes bien connues –, en vain. Les logements étaient trop chers et souvent non adaptés. Les photos et les informations des annonces étaient trompeuses, ni les salles de bains, ni les toilettes ou même les entrées n’étaient aux normes PMR. » Karima finit par renoncer, sa famille ne viendra pas.

Néanmoins, après cette mésaventure, Karima fait la rencontre des Déterminés, une association d’accompagnement à l’entrepreneuriat sur la ville de Montpellier. La jeune femme suit alors une formation de six mois, doublée d’une formation Handibat sur les normes des logements PMR. Et c’est ainsi qu’en mars 2022 naît Lilee, une plateforme dont la principale mission est de recenser les logements à louer, accessibles aux personnes handicapées.

« Sur le site, les personnes vont pouvoir choisir le nombre de pièces, le nombre de personnes avec qui elles veulent partir, mais aussi sélectionner des filtres selon leur handicap et ce qu’elles recherchent : une poignée ou un lit médical. » Une fois les critères entrés, l’algorithme de Lilee s’active pour proposer un large panel de logements, vérifiés et validés par la dirigeante, assistée d’ergothérapeutes. Dès sa création, la startup montpelliéraine reçoit une bourse de 42 000 euros décernée par la French Tech. Karima a quant à elle été récompensée par le concours Talents des cités, soutenu par Pôle emploi.

Si pour l’instant, la plateforme ne recense que des logements saisonniers situés en Occitanie, Karima envisage une levée de fonds pour élargir son offre en France, puis à l’étranger. Avec l’ambition qu’in fine, les PMR puissent – comme l’indique l’acronyme de la plateforme « Live Like Everyone Else » - vivre comme tout le monde.

L'info en +

Pour retrouver ces deux initiatives :

Revolve Air, le fauteuil roulant du futur

Lilee.fr

L'Essentiel de l'article
  • 3,5 millions de personnes en France ont une mobilité réduite
  • De nombreuses initiatives vient le jour chaque année
  • Vous pouvez faire des dons financiers ou aider bénévolement les associations

 

Article suivant