Le tabac chez les jeunes : la fin d’une tendance ?

Depuis 2016, la consommation de tabac est en baisse chez les jeunes (1). Le paquet neutre, la hausse des prix et le succès de la vapoteuse auraient-ils (enfin) rendu la cigarette ringarde ? Des résultats à nuancer selon Éric Godeau, historien du tabac.

Temps de lecture : 5 min

à propos du contributeur

Éric Godeau

Historien du tabac

Paris

Les chiffres le confirment : la consommation de tabac est en baisse depuis 2016 (1). Une tendance récente, particulièrement marquée chez les garçons de 18 à 24 ans (-9 points par rapport à 2016) (1), alors que le nombre de fumeurs réguliers reste stable chez les filles.

1 Avec la cigarette électronique, la nicotine n’est pas si has been

Plus high-tech, plus parfumée, souvent perçue comme plus saine… la e-cigarette séduit les jeunes générations (2). Mais de plus en plus d’experts pointent aujourd’hui le risque de voir la vapoteuse devenir une porte d’entrée vers le tabagisme (3), comme le souligne Éric Godeau, historien du tabac :

« Certains experts avancent que la cigarette électronique conduit les jeunes vers le tabac en installant des rites de socialisation du tabac, l’esthétique des volutes de fumée et la gestuelle. Or l’adolescence est le temps des expérimentations. Les études de l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanies) montrent que c’est à cet âge que les essais se font, pas seulement avec le tabac, mais aussi l’alcool, le cannabis… Le problème, c’est que le tabac est le produit courant le plus addictif ! Les premières bouffées de cigarette sont donc centrales dans l’installation de la dépendance. »

18,5 %

des jeunes de 18 à 24 ans pensent que la vapoteuse est plus nocive que la cigarette. 33 % pensent l’inverse. (4)

2 Cigarette : une cote de popularité en berne chez les jeunes ?

Malgré des chiffres encourageants en 2018, Éric Godeau préfère prendre ces résultats avec des pincettes.

« Bien qu’une baisse de l’usage du tabac semble s’amorcer, la consommation reste cependant très élevée chez les jeunes. C’est encore un peu tôt pour savoir si elle va perdurer. Mais pour le moment, il n’y a pas de stigmatisation du fumeur chez les jeunes : il n’y a qu’à passer devant un lycée pour le constater, il y a des centaines d’ados en train de fumer ensemble. La cigarette reste très attractive pour eux. »

Un constat qui se confirme puisque les jeunes restent de gros fumeurs : 32 % (un tiers) des 18-24 ans fument quotidiennement, contre 27 % pour l’ensemble des 18-75 ans (1).

8,1 %

des 18-34 ans sont gênés de sortir leur paquet de cigarettes à cause de la couleur du paquet neutre et de la photo de prévention. (4)

3 La cigarette n’effraie pas l’insouciante jeunesse

« L’usage du tabac est plus élevé au sein des milieux modestes et chez les ados en difficultés familiale, scolaire ou psychologique. Ce gradient social est particulièrement marqué chez les jeunes. Le recul du tabac est en fait plus net chez les adultes, où il est lié à la prise de conscience des dangers pour la santé et à l’augmentation du prix. Or ces deux arguments sont moins porteurs chez les jeunes : ils ne gèrent pas leur budget comme les adultes, et ils sous-estiment les effets de leur propre consommation. »

Si la « ringardisation » du tabac est en marche, elle serait donc plutôt à chercher du côté des plus de 60 ans et chez les catégories socioprofessionnelles supérieures. (1) Les experts de l’OFDT remarquent toutefois que les écrans et le temps passé sur Internet seraient responsables du recul récent du tabac observé chez les plus jeunes : au lieu de faire une pause clope, on préfère envoyer un snap ! Le smartphone serait-il plus efficace que la vapoteuse pour tenir les ados éloignés de la cigarette ? Affaire à suivre…


Merci à Éric Godeau, historien du tabac et auteur de Le Tabac en France de 1940 à nos jours. Histoire d’un marché (PUPS, 2008) et Un monde parti en fumée. Affiches et paquets de tabac en France au XXe siècle (CNRS, 2009).

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L'Essentiel de l'article
  • Le nombre de fumeurs quotidiens diminue chez les jeunes, surtout les garçons. (1)
  • Les 18-24 ans restent plus nombreux à fumer que le reste des Français. (1)
  • La cigarette électronique et la chicha peuvent être une porte d’entrée vers le tabagisme.
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