Petit parcours pour se défendre face au (cyber)harcèlement

Face au harcèlement ou au cyberharcèlement scolaire, les jeunes comme leurs parents sont souvent démunis. Comment se défendre ? Quelles démarches faut-il effectuer, et dans quel ordre ? Réponse en une infographie avec l’éclairage de Justine Atlan, directrice de l’Association e-Enfance et du 3018 pour la protection de l’Enfance sur Internet.

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Le fléau du harcèlement scolaire n’est pas nouveau mais il a pris de l’ampleur avec les réseaux sociaux. Les chiffres sont éloquents, particulièrement en ligne : 20% des jeunes entre 8 et 18 ans auraient déjà été victimes de cyberharcèlement selon une étude menée en 2021 pour l’Association e-Enfance. Née en 2005, celle-ci s’est donné pour mission d’ « accompagner le développement du numérique en préservant les droits des mineurs dans cette sphère », afin de leur permettre d’évoluer dans un « environnement protégé et adapté » selon les mots de sa directrice, Justine Atlan. Elle détaille le parcours à suivre pour faire face à ce type de violences émergeant dans le cadre scolaire.

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1 - Sortir de l’isolement

Nouer le dialogue

Face au (cyber)harcèlement, il n’est pas rare que les jeunes gardent le silence. Charge donc aux parents d’être attentifs à des changements de comportement, qu’il s’agisse de perte d’appétit, de difficultés à se lever le matin, d’une perte d’intérêt pour des choses qu’il ou elle aimait auparavant, baisse des résultats scolaires… « La question frontale n’est pas toujours facile avec un adolescent parce qu’il va avoir tendance à se renfermer encore plus. Il ne va pas forcément répondre la première fois, donc il ne faut pas s’arrêter à la première réponse qui consiste souvent à évacuer le problème », conseille Justine Atlan.

Si le jeune refuse de parler à ses parents, on peut aussi l’inciter à en parler à une autre personne de confiance, que ce soit dans le cercle familial, amical ou à l’école : le CPE, un professeur, l’infirmerie… De fait, le personnel éducatif lui-même a aussi un rôle à jouer dans le repérage de certains changements de comportement qui peuvent alerter.

Se tourner vers les plateformes d’aide

Les jeunes ciblés par le (cyber)harcèlement peuvent se tourner directement vers les plateformes d’aide : le 3020 (en cas de harcèlement) ou le 3018 (en cas de cyberharcèlement et autres violences en ligne). À noter que le 3018 est joignable aussi bien par téléphone que sur le tchat, via les messageries de Facebook (via la page Association e-Enfance), par mail ou encore l’application mobile 3018 (avec un chat intégré). Celle-ci propose également un quiz « Suis-je harcelé ? » pour encourager la victime à demander de l’aide.

« L’objectif dans un premier temps est de les écouter, décrit Justine Atlan. Souvent, quand ils appellent, c'est le moment où ils n’en peuvent plus (sinon ils n’osent pas trop appeler). » Elle ajoute que la prise en charge via le 3018 peut aussi aider les jeunes à « prendre du recul sur leur situation et les inciter à en parler avec d’autres gens, leurs parents ou l’établissement scolaire », et donc à « sortir de l’isolement. »

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2 - Signaler le (cyber)harcèlement

Prévenir l’établissement scolaire

Différentes voies sont possibles pour signaler le cas de (cyber)harcèlement à l’école : en prévenant directement le personnel éducatif (idéalement le CPE, ou le professeur principal) ou via les plateformes d’aide. « Le CPE va alors identifier les élèves concernés et les convoquer, seuls ou avec leurs parents, en demandant à ce que cela cesse. Sinon, des sanctions peuvent être données dans le cadre scolaire pour leur faire comprendre la gravité de leurs actes », déroule Justine Atlan en évoquant par exemple des travaux d’intérêt général à l’école. Dans tous les cas, ajoute-t-elle, pousser la victime à changer d’établissement serait une erreur, et surtout un « aveu d’échec » de la part de l’établissement.

En ce qui concerne les faits de cyberharcèlement scolaire, l’Association e-Enfance bénéficie d’une convention avec l’Éducation nationale qui leur permet de signaler directement les faits au référent harcèlement de l’Académie concernée, évitant au jeune d’avoir toutes les démarches à faire. Il lui suffit pour cela de s’adresser à la plateforme 3018. Le dossier est alors pris en charge par l’établissement scolaire.

Avertir la plateforme concernée

Lorsque le harcèlement se déroule en ligne, il ne faut pas hésiter à garder des preuves en faisant des captures d’écran, avant de bloquer les contacts et éventuellement récupérer des comptes en cas d’usurpation de l’identité. « Cela peut prendre beaucoup de formes : piratage de compte, insultes, faux comptes créés… »

En s’adressant au 3018, les jeunes bénéficient d’une procédure de signalement prioritaire auprès des réseaux sociaux. L’association e-Enfance étant identifiée par les services de modération, « les contenus illicites sont alors retirés dans l’heure, ce qui est particulièrement important dans les cas de revenge porn où le risque de viralité est fort », explique Justine Atlan. Lorsque les contenus ou le cyberharcèlement se déploient dans des sphères publiques, un signalement peut également être effectué par le 3018 auprès de Pharos, une plateforme gouvernementale pour signaler des contenus et comportements en ligne illicites.

3 - Prise en charge psychologique

Dans certains cas, un accompagnement psychologique peut être indiqué. Via le 3018 ou de leur propre initiative, les jeunes peuvent alors se tourner vers les Maisons des Adolescents et les Points d'Accueil et d'Ecoute Jeunes présents sur l’ensemble du territoire qui vont les orienter, s’ils le souhaitent, vers un psychologue. Ils peuvent aussi s’adresser directement à un professionnel de santé spécialisé. « Notre objectif est de prendre le jeune en charge sans être dans le jugement, mais dans l’accompagnement », précise Justine Atlan.

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Si les sanctions disciplinaires mises en place par l’établissement scolaire ne mettent pas fin au (cyber)harcèlement, le jeune, accompagné par ses parents, peut décider de porter plainte. S’il le fait via le 3018, il aura déjà en main tous les éléments juridiques pour préparer son dépôt de plainte au commissariat ou dans une gendarmerie. « Quand on porte plainte, il faut bien avoir conscience de ce à quoi ça va servir et ne pas servir, fait remarquer la directrice de l’Association e-Enfance tout en se réjouissant que les infractions et les délits en ligne soient de mieux en mieux reconnus. Ça peut être à double tranchant : si la justice classe l’affaire sans suite ou déclare qu’il n’y a pas de préjudice, ça peut être très violent. Il faut aussi être prêt à être confronté à l’auteur de ces violences. Surtout, ça peut prendre des mois, voire des années. »

3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende

C'est la peine encourue pour un jeune harceleur, dès 13 ans.(1)

Si le cyberharcèlement dont souffrent certains jeunes est souvent d’origine scolaire, il ne s’y limite pas. Des phénomènes de haine en ligne peuvent également prendre racine dans la sphère des jeux en ligne, sur des forums ou sur les réseaux sociaux. « Parfois, un jeune va publier une vidéo en ligne sur YouTube ou TikTok et sans trop savoir pourquoi, il va se prendre une flambée de harcèlement de personnes qu’il ne connaît pas, qui vont se liguer contre lui pour se moquer », décrit Justine Atlan. Le danger guette aussi du côté des plateformes de rencontre « où les jeunes vont être amenés à se dévoiler, à envoyer des contenus, à envoyer des nudes… Cela peut ensuite donner lieu à du harcèlement en ligne avec de la diffusion de contenus ou des comptes “ficha” [diffusant des photos dénudées de jeunes filles, sans leur consentement, ndlr]. »

D’où l’importance, parfois sous-estimée, de sensibiliser les jeunes et de faire émerger une « parentalité numérique » consciente de ces dangers.

L'Essentiel de l'article
  • Être attentif aux changements de comportement de son enfant
  • Rassembler les preuves et constituer un dossier auprès des autorités pour porter plainte
  • Éviter les réseaux sociaux pendant un temps
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