Nouvelles technologies et contrôle parental : jusqu’où faut-il (ne pas) aller ?

Jusqu’où faut-il surveiller les enfants dans leurs usages des appareils connectés ? Quelle autonomie leur accorder, avec quelles précautions ? Éléments de réponse avec Alexis de Maud’Huy, spécialiste de l’addiction aux écrans.

Temps de lecture : 7 min

à propos du contributeur

Alexis de Maud’Huy

Spécialiste de l’addiction aux écrans et auteur du livre Se protéger des addictions aux écrans

1 Des enfants hyperconnectés

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 34 % des élèves de CM2 possèdent leur propre smartphone, passant à 65 % après l’entrée en 6e (1). Un engouement qui questionne de nombreux parents, inquiets des risques potentiels liés à l’utilisation des nouvelles technologies : cyberharcèlement, pornographie, mais aussi retards de développement du langage et des apprentissages socioaffectifs (2), fatigue et irritabilité (2), surpoids et obésité (3), troubles psychiques comme la dépression ou les difficultés de concentration (4), etc.

Résultat : les applications de contrôle parental foisonnent. Non seulement elles permettent de restreindre l’accès à des sites ou applications et de réduire les temps d’utilisation, mais elles permettent également de consulter ses messages, l’historique de son navigateur… De quoi rassurer les familles, mais cela peut susciter des comportements excessifs de la part des parents et des frustrations chez les enfants. Après tout, eux aussi ont leur droit à leur part d’intimité… C’est même une recommandation de la CNIL (5) !

2 Expliquer les dangers pour mieux les éviter

Pour les parents, il reste néanmoins primordial de sensibiliser les enfants et les ados à un usage raisonné des écrans, autant en quantité que dans la nature des contenus et des services consommés. Pour Alexis de Maud’huy, coach émotionnel et auteur spécialiste des questions d’addiction aux écrans, il ne faut pas devenir technophobe, au contraire, mais apprendre aux adultes, aux enfants et aux ados à maîtriser cet outil :

« Il est aujourd’hui tout à fait possible de paramétrer les appareils pour limiter les risques, notamment via les outils de contrôle parental ou tout simplement l’extinction du Wi-Fi la nuit. Bien sûr, ça ne remplace pas un accompagnement et une pédagogie adaptés à l’âge de l’enfant : un petit de moins de 5 ans ne devrait pas regarder un écran seul, mais toujours accompagné d’un adulte ! L’idée est d’avoir une discussion sur ce qui a été vu afin d’éviter une consommation passive “hypnotique”. Le temps passé devant l’écran est lui aussi important, et il doit être limité, mais la manière de consommer l’écran est clé, notamment chez les plus jeunes. »

3 Des règles claires pour cultiver leur autonomie

Pour autant, les appareils connectés ne sont pas des ennemis, bien au contraire… Bien utilisés, ce sont de précieux outils pédagogiques tout autant que des jouets aux multiples possibilités. Tout est question d’équilibre ! La bonne idée : un savant dosage de surveillance et d’autonomisation basée sur des règles claires et justes. Alexis de Maud’huy conseille d’agir dès le plus jeune âge pour mettre en place des routines qui responsabilisent les enfants sur l’utilisation des écrans et d’Internet. Elles pourront évidemment évoluer avec le temps, les besoins et les sensibilités de chacun : applications autorisées/interdites, plages horaires d’extinction du Wi-Fi, temps passé sur les écrans. Objectif : arriver à ce que l’enfant s’autorégule en posant un cadre clair et juste, au sein duquel il sera autonome.

Pour maximiser les chances de succès, le choix des mots et la façon de présenter ces restrictions sont fondamentaux :

« Il est essentiel d’introduire ces règles non pas comme des sanctions, mais comme une protection. C’est quelque chose qui doit être positif et présenté comme tel : ça permet d’éviter les mauvaises rencontres en ligne, de poster des choses qu’on regretterait ensuite, mais c’est aussi avoir plus de temps pour sortir et voir les copains, dessiner, faire de la musique… »

Parmi les bonnes pratiques incontournables : le bannissement des appareils électroniques de la chambre à coucher pendant la nuit. En effet, la simple présence d’appareils, même éteints, suffit à perturber le sommeil des enfants et des ados. Ici, la volonté n’est pas en cause : s’ils se réveillent pendant la nuit, ils sont tentés de les utiliser et même s’ils ne le font pas, l’idée parasite l’esprit et empêche de se rendormir sereinement. Et parfois, la tentation est tout simplement trop forte…

Les écrans, ça s’apprend !

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel propose un dépliant sur les bonnes pratiques d’usage des écrans pour les enfants : Les écrans, ça s’apprend. Consultable et téléchargeable sur le site du CSA, le livret propose des conseils pratiques pour l’éducation des enfants aux écrans (télévision, Internet) en fonction de leur âge : contrôle parental, types de contenus conseillés/déconseillés, etc.

4 Quelques conseils pour une surveillance efficace et raisonnable

Sécurisez l’utilisation

  • Expliquez les risques à vos enfants (par exemple, la pornographie ou le cyberharcèlement), et apprenez-leur à reconnaître et éviter les situations à risque. Ne les victimisez pas : expliquez-leur qu’ils doivent avoir un comportement responsable pour se protéger, mais aussi pour protéger les autres.
  • Utilisez le contrôle parental de façon raisonnée, pour limiter l’accès à certains sites et applis, mais pas pour lire les messages de vos enfants. Le respect de leur intimité est important ! Si vous suspectez une utilisation problématique ou du harcèlement, parlez-en avec lui et demandez-lui s’il serait d’accord pour vous montrer ses messages. S’il refuse, n’hésitez pas à en parler à un pédopsychiatre.

Aidez-les à s’autoréguler dans leur utilisation

  • Bannissez les appareils électroniques des chambres pendant la nuit.
  • En dehors des périodes d’utilisation autorisées, rangez les appareils dans un tiroir.

Pour les plus petits

  • Pour les 3-5 ans : ne les laissez pas utiliser un écran seul, et discutez ensemble de ce qu’il se passe sur l’écran.
  • Avant 3 ans, il est déconseillé de laisser les enfants utiliser des écrans quels qu’ils soient (6).


Merci à Alexis de Maud’huy, coach émotionnel et auteur du livre Se protéger des addictions aux écrans, c’est parti !, paru aux éditions Jouvence.

L'Essentiel de l'article
  • L’utilisation des appareils connectés doit faire l’objet de règles claires respectées par les enfants.
  • Une surveillance trop rapprochée peut déresponsabiliser l’enfant.
  • Le dialogue est essentiel pour sensibiliser les enfants aux risques liés aux nouvelles technologies.

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