Comment éduquer les enfants aux goûts ?

Les enfants ont-ils des préférences innées pour certaines saveurs ? Est-il possible de tout leur faire aimer ? Éclairage et conseils de François-Régis Gaudry, journaliste, critique gastronomique et producteur de l’émission « On va déguster », chaque dimanche sur France Inter.

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à propos du contributeur

François-Régis Gaudry

Critique gastronomique et producteur de l’émission « On va déguster », sur France Inter

Les jeunes enfants sont-ils susceptibles de tout aimer ? Quel rôle peut jouer l’éducation au goût ?

François-Régis Gaudry : De nombreuses expériences scientifiques ont été menées avec des nouveaux nés. Lorsque vous leur faites goûter un aliment amer ou acide, ils font la grimace, alors qu’ils retrouvent le sourire avec un aliment sucré. C’est la preuve que dans notre cerveau reptilien, on a plus ou moins d’attirance pour certaines saveurs dès la naissance. Tout le rôle de l’éducation c’est de proposer une diversité de goûts et d’aliments, de combiner des saveurs contraires, d’apprendre à nos enfants à éveiller et réveiller leur palais tout en leur faisant prendre conscience de leur équilibre alimentaire. Alors, manger pourra devenir une immense source de plaisir, un outil de découverte et même un moyen de prendre sa santé en main.

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Selon vous, y a-t-il une période cruciale pour apprendre à tout goûter ou peut-on découvrir à tout âge ?

F-R. G. : Il faut leur faire goûter le plus de choses possibles et le plus tôt possible. J’ai fait de nombreux ateliers de dégustation au fromage dans des écoles maternelles, et je me suis rendu compte que les jeunes enfants entre trois et cinq ans avaient, contrairement à ce que l’on peut penser, un palais ouvert et très disponible. Quatre enfants sur cinq aimaient le roquefort qu’aucun de leurs parents n’avaient osé leur faire goûter. On plaque trop souvent nos propres phobies ou nos appréhensions sur nos enfants. Il faut évidemment tenir compte de certains dégoûts ou phobies qu’ont les enfants, qui passe avec leur socialisation et leur éducation.

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Comment les parents peuvent-ils introduire une diversité de goûts dans l’alimentation de leur enfant ?

F-R. G. : Ouvrir les enfants à des goûts nouveaux peut être un vrai casse-tête pour les parents, et peut même générer des crises familiales. Plusieurs stratégies ont déjà porté leurs fruits : cacher les légumes dans certains plats et augmenter progressivement les quantités pour habituer le palais. Par exemple, mettre de plus en plus de carottes et d’oignons dans une sauce bolognaise maison. On peut aussi jouer avec la nourriture en proposant des assiettes et des plats colorés. Une bonne idée qui marche à tous les coups : proposer un trio de purées à la surface du hachis Parmentier, par exemple, pommes de terre, brocolis et carottes en bandes colorées. J’aime bien aussi amener mes enfants au marché, voire au potager, pour leur apprendre à reconnaître les aliments, ou cuisiner avec eux. Ils ont moins de difficulté à goûter une fois que c’est dans leur assiette. L’idée, c’est d’éveiller la curiosité des enfants sans les contraindre et surtout de ne pas désespérer.

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Selon vous, est-il possible de faire aimer aux enfants et aux ados des saveurs autres que le trio pâte/frites/burger ?

F-R. G. : Oui, en leur expliquant les impacts sur la santé de la consommation, par exemple de fast-food, ce qui aura un impact sur leur consommation ou non de ces aliments. Mais sans pour autant les faire culpabiliser. Pour les enfants, une expérience dans laquelle le héros d’une histoire préférait un plat de mauvais goût par rapport à un autre censé être plus appétissant a influencé les enfants vers un changement de préférence en faveur du plat choisi par le héros. C’est l’exemple de Popeye avec les épinards. Même chose si les enfants voient leurs amis manger d’un aliment, ou leurs frères et sœurs : par imitation, il va avoir envie de faire pareil. C’est pour ça qu’une alimentation équilibrée et diversifiée dans les cantines est importante.

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Y a-t-il des aliments et/ou des plats en voie de disparition chez les enfants ? Vit-on un affadissement du goût au détriment des saveurs plus marquées (acide, amère, etc.) ?

F-R. G. : Il y a des aliments dont la consommation baisse (le lapin, les légumes oubliés, les abats…) et il est plus compliqué de les faire accepter aux enfants aujourd’hui. L’une de mes madeleines d’enfance est le foie de veau de ma mère déglacé au vinaigre de framboise : impossible de le faire avaler à mes filles. D’autres phénomènes ont pris de l’ampleur ces dernières années et m’inquiètent : la place prépondérante des produits transformés et des lieux de restauration hors domicile qui standardisent notre alimentation, sans parler de cette possibilité nouvelle, dans les grandes villes, de tout commander en un clic et l’augmentation et la diversification qui laisse plus de place à la nourriture transformée. L’alimentation industrielle contient beaucoup de sel, de gras et de “sucres cachés” qui sont autant de calories vides. Le sucre est devenu une arme de consommation massive et il prend le pas sur les autres saveurs. Quand on cuisine à la maison, il ne faut pas hésiter à remettre en avant l’acide et l’amer, quitte à les contrebalancer avec un peu de douceur…

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