La chirurgie esthétique chez les jeunes : une fausse réponse à un vrai problème ?

Les 19-34 ans représentent la deuxième tranche d’âge à recourir le plus à la chirurgie esthétique. Un plébiscite qui survient même chez les mineurs ! Quelles sont leurs motivations ? Entretien avec Jean-Christophe Seznec, psychiatre. 

Temps de lecture : 4 min

à propos du contributeur

Jean-Christophe Seznec

Psychiatre et auteur de « J’arrête de lutter avec mon corps » (éditions PUF).

Paris

Qu’est-ce qui pousse les jeunes dans cette quête du physique parfait ?

J.-Ch. Seznec. Nous sommes dans une société très individualiste. Le manque de lien social accroît l’angoisse et les troubles narcissiques. On passe beaucoup de temps à s’occuper de notre apparence, de notre vitrine, de peur d’être en contact avec notre « arrière-cuisine », c’est-à-dire nos pensées profondes. Or comme dans un livre, ce n’est pas la couverture qui importe mais ce qui est écrit dedans. Le côté consumériste de la société influe aussi. On consomme de la beauté : on veut un beau nez, de belles fesses… On a l’illusion que si l’on change telle chose, on sera plus épanoui mais ça ne répond pas aux questions existentielles.

Les réseaux sociaux jouent-ils aussi un rôle ?

J.-Ch. S. Probablement, car ils renforcent l’importance de cette vitrine. Ils alimentent les comparaisons mais en même temps ils les faussent car on compare notre arrière-boutique à la vitrine des autres. On est forcément perdants. Ça alimente une mauvaise image de soi parce qu’on a l’impression que tout le monde est meilleur et plus beau. 

Bon à savoir

Est-ce que la chirurgie esthétique est remboursée par l’Assurance maladie ?

D’une manière générale, non. Mais il existe certaines exceptions. On parle alors plutôt de chirurgie réparatrice : par exemple, une chirurgie des paupières ou du nez peut être prise en charge s’il existe une gêne fonctionnelle réelle (attestée par  un médecin). D’autres actes peuvent être pris en charge : reconstruction mammaire après un cancer, réduction mammaire (à partir d’un certain volume), recollement des oreilles chez les enfants, repris de cicatrices d’accident, etc. Renseignez-vous auprès de votre CPAM ou de votre médecin traitant.

Outre les risques pour la santé physique, quels sont les impacts possibles de ces interventions sur la santé mentale des jeunes ? 

J.-Ch. S. Ça peut engendrer de la tristesse et de l’anxiété car ça ne répond pas aux problèmes existentiels comme le fait d’oser être soi. Ça peut donner des troubles délirants ou obsessionnels. Certaines personnes, après s’être fait opérer du nez, pensent qu’il n’est jamais assez droit et enchaînent les opérations. Ça devient une spirale.

Comment gérer la situation si son ado veut recourir à la chirurgie esthétique ?

J.-Ch. S. Il faut essayer de différer ce moment et discuter des sujets existentiels : à quel besoin ça va répondre ? C’est quoi le bonheur, l’amour ? Ce n’est pas forcément une opération esthétique qui rendra l’ado plus heureux. On peut s’appuyer sur la métaphore de la vitrine et l’arrière-cuisine pour l’aider à raisonner. La médecine esthétique peut être utile pour aider à mieux vieillir (par exemple dans le cas d’une réduction mammaire ou de paupières très tombantes), ou quand on a été blessé et qu’il y a des cicatrices, mais pour le reste, il faut faire attention.

 

Infographie Macif Les jeunes et la chirurgie esthétique

 

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L'Essentiel de l'article
  • Se concentrer sur son apparence est une manière de fuir les questions existentielles.
  • Un changement physique n’est pas gage d’épanouissement.
  • Mieux vaut différer la demande de son ado et le faire réfléchir avant de se lancer.
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