“L’autisme de mon fils, une difficulté, pas un frein”

Anne est la maman de Matthieu, 18 ans, Agathe, 13 ans, et Violet, 6 ans. Enseignante, elle n'exerce plus depuis plusieurs années afin de s’occuper de son fils autiste et de ses deux filles. Auteure de Écoutez l’autisme, elle y raconte le quotidien de sa famille et se livre à vous aujourd’hui.

Temps de lecture : 7 min

« Matthieu est né le 2 janvier 2002. C’était notre premier enfant. Nous n’avions pas de repères mais je sentais que quelque chose ne tournait pas rond. Tout petit, il ne répondait pas à nos marques d’affection. Nous voyait sans nous voir. C’était une grande souffrance parce que je n’arrivais pas à établir un lien avec mon bébé. À partir de ses 2 ans, je me suis vraiment posé des questions : est-il sourd, aveugle ? »

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Autisme de l'enfant : quand le diagnostic tarde, l'inquiétude des parents grandit

« À 4 ans, il ne parlait toujours pas. Les médecins nous disaient de ne pas nous inquiéter, qu’il se mettrait à parler d’un coup. Ce n’est pas arrivé. Nous avons donc consulté des psychologues. Sans plus d’éclairage. Pour certains médecins, il est encore difficile de détecter les signes de l’autisme et d’établir un diagnostic sur cette pathologie complexe et méconnue. J’ai finalement compris toute seule que Matthieu était autiste, grâce à mes lectures et à ma psychologue. Quelques mois plus tard, juste avant ses 5 ans, un médecin spécialiste de l’autisme a confirmé le diagnostic. »

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2 Matthieu, un enfant avant d'être un autiste

« Son orthophoniste nous avait dit que Matthieu ne pourrait pas être scolarisé. Son psychologue, lui, nous encourageait à le mettre dans un établissement scolaire ordinaire. Avec l’appui d’une AVS (auxiliaire de vie scolaire) et grâce à des enseignants ouverts, nous n’avons jamais eu à nous battre pour qu’il soit maintenu à l’école. Même quand il était petit, qu’il ne parlait pas, et qu’il criait au moindre bruit…

Toutes les familles d’un enfant autiste n’ont pas cette chance, même si le sujet est moins tabou aujourd’hui. Il y a des témoignages, des films, des documentaires sur l'autisme qui sont diffusés. C’est important de faire la pédagogie de cette maladie car lorsqu’on la comprend, c’est moins effrayant. J’ai d’ailleurs constaté que chaque fois que l’on a expliqué que Matthieu était autiste aux enseignants ou autres élèves, ça se passait très bien. Chaque année scolaire, Matthieu la commençait donc en faisant un exposé sur son cerveau autiste à ses camarades de classe. La seule année où il ne l’a pas fait, il a été harcelé par des camarades. »

« C’est important de faire la pédagogie de l’autisme car lorsqu’on comprend, c’est moins effrayant. »

Anne Idoux-Thivet

3 Enfant autiste : entre préjugés et vérités

« Il y a beaucoup d’images véhiculées sur les autistes comme celle, très répandue, qu’ils sont des génies. En réalité, il ne s’agit que d’une petite frange très rare. On pense aussi que les autistes passent leur temps à se rouler par terre en hurlant. C’est faux. Ils ont généralement ces réactions seulement lorsqu’ils éprouvent une intolérance très forte à des stimuli sensoriels. C’est un aspect méconnu du grand public et pourtant fondamental.

Les autistes souffrent, en effet, d’un problème sensoriel : ils ressentent les stimuli trop forts ou pas assez. Par exemple, Matthieu, étant enfant, se tapait la tête contre les murs quand il percevait certaines fréquences très graves. J’ai mis du temps à le comprendre car ce son était banal pour tout le monde. Pour lui, c’était insupportable au point de ne plus pouvoir verbaliser son mal et parfois faire ce que l’on appelle vulgairement des crises. Chez les autistes, tous les sens peuvent être déréglés, ce qui entraîne une forme d’intolérance à l’environnement finalement. »

4 Le défi avec l'autisme, c'est d'entrer en communication avec son enfant

« Il fallait réussir à communiquer avec Matthieu. Car l’enjeu est là avec un enfant autiste, puisque le repli sur soi, l’absence de contact social et la non-communication caractérisent ce trouble. Avec mon mari, nous sommes partis du principe qu’il n’y avait aucune raison que l’on communique différemment avec lui qu’avec nos autres enfants, car sa pathologie ne signifie pas forcément qu’il ait une déficience intellectuelle associée. Quand il a commencé à parler, il faisait de l'écholalie, c’est-à-dire qu’il répétait en écho et en différé ce qu’il entendait. Quand il est rentré au CP, nous avons adopté un langage fonctionnel, soit un langage simple et utile de la vie quotidienne, nous permettant ainsi d’échanger avec lui. On s’est alors aperçu qu’il savait aussi lire, sans savoir comment il avait appris. »

5 L'importance de stimuler les enfants autistes pour les faire progresser

« Souvent, les personnes autistes répètent les mêmes gestes et ont des centres d’intérêts très forts, mais elles ont du mal à acquérir une certaine souplesse. L’aider à être flexible, c’est un point que l’on a beaucoup travaillé avec Matthieu. C’est un équilibre à trouver parce qu’il faut aussi accepter qu’il garde certaines manies qui le rassurent. Par exemple, à 18 ans, il lui arrive encore de jouer avec des peluches dans sa chambre. Ce n’est plus de son âge, mais ça lui fait du bien. Depuis qu’il est tout petit, quand il est très content, il saute en envoyant ses épaules en arrière. Ça non plus, je n’y changerai rien. Il y a quand même une marge de progression. C’est pour ça que nous stimulons beaucoup Matthieu en faisant des jeux de société en famille, entre autres. On en a plus de 200 à la maison ! »

6 Être entouré et garder l'espoir d'une vie normale

« Aujourd’hui, Matthieu a 18 ans et est en Terminale S. C’est un élève moyen, mais il n’a pas de difficulté à suivre une scolarité traditionnelle. Il est à une étape importante de sa vie : l’après-bac. Il arrive aussi à un âge où l’on se dit qu’il doit côtoyer d’autres autistes. Un ami autiste Asperger, membre d'une association fréquentée par des adultes autistes sans déficiences intellectuelles, a proposé à Matthieu de participer à des ateliers, un samedi par mois. Sentir qu’il n’est pas seul dans les difficultés qu’il rencontre, être avec des personnes plus âgées que lui et susceptibles de lui donner des conseils, ça lui fait beaucoup de bien. De savoir qu’ils ont tous un métier aussi, c’est un espoir pour lui. »

Chiffre-clé

Environ 700 000 personnes souffrent d’autisme en France, dont 100 000 ont moins de 20 ans. (1)

L'Essentiel de l'article
  • Environ 700 000 personnes souffrent d’autisme en France. (1)
  • Les premiers signes apparaissent le plus souvent entre 18 et 36 mois. (1)
  • L’enjeu avec l'autisme est de réussir à entrer en communication avec son enfant.
  • Les autistes présentent une intolérance très forte à certains stimuli sensoriels.
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